autant que possible des chasseurs ; ceux-ci, d’autre part, cherchent à
raccourcir par un rapide coup de fusil la -durée de l ’instant déjà trop
court oü le Grèbe-vient respirer à la surface. L’oiseau se « rase
comme un bouchon », c’est-à-dire qu’il ne laisse sortir de l’eau que son
bec, par lequel il aspire en grande hâte l’air dont il a besoin ; il se cache
derrière une bouée ou des feuilles flottant- en plein lac, il cherche à
gagner le rivage pour s’y masquer entre deux pierres ou derrière un
pilotis; il se dirige, s’il le peut, du côté où il voit le lac ridê.par une
brise pour mieux échapper au milieu des reflets des vaguelettes aux
regards de ses persécuteurs. Mais ces ruses n’en excitent que plus les
chasseurs; l’oiseau se fatigue, il s’essouffle ; ses plongées se raccourcissent,
il se laisse approcher ; un plomb heureux réussit à entrer dans
l’oeil ou à se glisser'sous une plume jusqu’à la tête'ou au cerveau, et
les chasseurs exténués, qreintés, à bout de forces et d’attention, capturent
enfin la noble bête qui leur a fait chèrement payer'sa vie,
La lutte est vraiment difficile et presque égale entre l’oiseau rusé,
et les chasseurs ardents à sa perte. Bien souvent c’est lè Grèbe
qui- est vainqueur et qui échappe, même au milieu d’une poursuite
commencée. C’est la chasse la plus belle et la plus émotionnante
qui .nous soit offerte dans nos parages du centre de l’Europe, et tous
ceux qui s’y sont livrés dans les splendides journées des lacs calmes
d’biver n’en parlent qu’avec enthousiasme et passion.
A partir de 1870, les chasseurs ont frété pour la poursuite des Grèbes
des bateaux de ehasse à vapeur, le Bayard de M. E. F r o s s a r d d e
S a u g y , le Caprice de MM. R e v illio d et Mono d, etc.'Est-ce la suppression
de la fatigue qui faisait de la chasse, dans une péniche à rame un
exercice où l’homme devait largement payer de sa personne4? Est-ce la
disproportion entre la taille de l’oiseau qui est chassé, et celle du
yacht et de son équipage? Toujours est-il que depuis l’introduction de
la flotte à vapeur établie pour la Chasse du Grèbe, ce sport semble
avoir perdu quelques-uns de ses plus grands attraits.
Les Grèbes du Léman sont particulièrement réputés. 11 semblerait
que quelques jours de bain dans les eaux de notre lac suffiraient à
perfectionner sensiblement la beauté du plumage de ces oiseaux migrateurs
; c’est là du moins l’opinion de tous nos chasseurs et naturalistes.
Cette opinion çst confirmée par le prix plus élevé que le commerce
offre des peaux dès Grèbes du Léman. Voici les chiffrés qui m’ont été
Indiqués par un fourreur de Lausanne (Maison Fontannaz) pour les
prix d’achat en 1868. On payait une peau de Grèbe adulte
du Léman ¡1 10 à 12 francs,
du lac de Neuchâtel ou des IV Cantons 9 à 11
du lac de Constance / 8 à 10 ijëvjN
du lac de Côme ou du lac Majeur 5 à 7 —
de la Mer Noire 2.50 à 3 —
Ces chiffres sont plus éloquents que toute description dès diverses
peaux qui m’ont été démontrées par le marchand de fourrures. Les
Grèbes du Léman ont en somme un duvet plus, abondant, l e ventre
d’un blanc plus éclatant; les bords du ventre n’ont pas les plumes brunes
qui, chez les Grèbes des autres lacs, forment une liseré jaunâtre
•entre le blanc du ventre et le noir des'flancs du dos. -
En novembre. 1899, j’ai interrogé à ce sujet Mme G ra u l, marchande
de fourrures à Lausanne, Elle me confirme le fait que le plumage des
Grèbes du Léman est plus beau que celui des autres lacs, et a dans le
commerce une plus grande valeur ; quèla différence de prix s’élève à 25
ou 30 °/o en faveur des peaux de Grèbes du Léman; que cette différence
de prix se justifie par le plus grand éclat de la fourrure : le plumage
est plus brillant, plus lustré ; les plumes du ventre, sont plus
larges, mieux étalées. Mais la fourrure du Grèbe n’est plus à la mode
-et le débit en est très-restreint; le prix d’achat dés peaux de Grèbes
-du Léman ne dépasse pas actuellement ' 2.50-fr. à 4 fr. On signale
cependant une légère reprise sur cet article, et l’on prévoit que pro-
-chainement latmode y reviendra.
Quelle peut être l’action des eaux do Léman s u r le plumage d!un
‘Oiseau ? je n’arrive pas à le deviner.
Les P lo n g e o n s se distinguent des Grèbes par leurs pieds entièrement
palmés..
Le P lo n g e o n lum m e Colymbus drcticus L.
Le P lo n g e o n im b r in C. glacialisL.
Le P lo n g e o n c a t-m a r in C. septentrionalis L.
(’).M. G. M o n o d ,. de Morges, m’affirme qu’en 1865 les marchands de fourrures
■de Lausanne payaient la peau de Grèbe fraîche 15 francs eh moyenne.