Ni les mousselines, ni les perses, ni ces toiles très-fines de coton
que nous avons long-tems tirées d’Ispahan, ne sont fabriquées en
Perse; elles y étaient apportées de l’Inde. Le coton de la Perse3 le
même que celui qui nous vient de la T urquie, n’est pas assez fin, n a
pas non plus assez dq consistance pour permettre qu’on lui donne ,
en le filant, cette ténuité qu’exigent les toiles dont nous venons de
parler. Toutes les toiles de coton faites en Perse sont assez grossières
ou assez communes pour être à la portée de tout le monde ;
elles y sont à très-bas prix : celles même de l’Inde, dont les riches
font usage , n’y sont pas ' non plus bien chères ; elles n’y valent
jamais la-moitié de ce que nous les payons en France en tems dé
paix.
AgOriculture.
Nous ne pousserons pas plus loin l ’examen des arts que le Persan
exerce avec succès : c ’est dans son agriculture, et surtout dans le
soin qu’il met à se procurer de l ’eau pour l ’arrosement des terres,
qu’on peut se former une idée de son activité et de son industrie.
Il n’y a pas de pays habité , qui soit plus sec et qui ait plus besoin
d’eau que la Perse : il n’y en a pas non plus où l ’on se soit procuré
autant de sources artificielles, où l’on ait creusé autant de puits,
où l’on ait élevé autant de digues. Les eaux qui tombent des montagnes
durant la fonte des neiges, sont reçues dans des canaux et
conduites dans les champs ; elles sont soumises, comme celles des
ruisseaux et des rivières, â l’inspection d’un officier public, nommé
mirai) , emir-ab ou prince de l'ea u , et distribuées entre les cultivateurs,
suivant leurs besoins et la rétribution qu’ils paient.
Dans les gorges des montagnes et partout où la forme du terrain
Ta permis, on a arrêté par des murs fort épais, ces eaux de neige,
ou celles qui proviennent des pluies ; on les a obligées de s’amasser
dans de vastes bassins, afin de pouvoir les distribuer peu à peu, dans
la belle saison, aux champs qui sont mis en culture ; on a élevé ou
soutenu leur niveau afin de pouvoir leur faire atteindre des terrains
qui en seraient privés sans cette précaution.
Lorsque les eaux , à leur sortie des montagnes, on t été assea
abondantes pour former des rivières, on a établi des chaussées ou
des digues sur leur lit pour faciliter les saignées qu’on voulait faire.
Tous ces travaux n’ont pas empêché de cjeuser partout un grand
nombre de puits sur la pente des collines, au bas des montagnes
etuans toutes les plaines. Ces puits sont en général peu profonds,;
cependant il y en a qui ont plus de cent cinquante pieds,.Parvenus
à la roche ou à la couche d’argile sur laquelle l ’eau repose, on a
creusé des galeries et dirigé vers un même point les eaux de plusieurs
puits, en soutenant leur niveau ou leur donnant le moins de
pente qu’il a été possible. Dès qu’elles ont été réunies , on a continué
une seule galerie jusqu’à ce qu’on fiât hors de terre.
Ces galeries ou conduits souterrains sont nommés kerises; ils
sont infiniment multipliés, et paraissent dater d’une époque très-
ancienne. Ils ne sont pas en maçonnerie ;; ce qui exige un- grand
entretien, attendu que les terres s’affaissent quelquefois. On a pratiqué
, à des distances convenables, des spupirajix afin de pouvoir
y descendre lorsqu’on le juge à propos, et aussi pour y donner de
l ’a ir; car on peut, en partant.de la source, visiter toutes les galeries.
Elles ont plus ou moins de largeur suivant la quantité d’eau
qu’elles reçoivent. Quant à leur hauteur, on ne leur a pas moins
donné de huit ou neuf pieds. Quelques-uns de ces conduits parcourent
une étendue de plusieurs lieues.
Lorsque les eaux sont trop basses, ou qüe la nature du so} ne
permet pas de les conduire hors de terre , on se contente de les,
élever au moyen d’ün treuil établi sur l ’ouverture du puits., ou
simplement d’une poulie placée au dessus. On se sert, à cet effet,
d’un grand seau de cu ir, qui contient quinze ouv ing t pintes lorsque
ce sont des hommes qui doivent le tir e r , eh au-delà de cent
lorsque ce sont des buffles ou des ânes.
A u moyen de ces kerises ou de ces sources artificielles, les anciens
Persans étaient parvenus à mettre en culture presque toutes les
terres qui n’étaient pas trop élevées. Les troubles civils, les guerres
continuelles qui ont eu lieu depuis l’arrivée des Afghans ( 1 ) , en