à sa partie supérieure, ni ruines , ni vestiges de murs, ni amônce-
lemens de pierres ou de terre : les décombres et les fraginens de
poterie ne commencent à se montrer qu’à sa pente intérieure.
On remarque, au sud de Castradès, sur le sol de l ’ancienne v ille ,
trois puits de cinq à six pieds seulement de profondeur, dont l’eau,
bonne à boire, sert à arroser quelques jardins. Des savans de Corfou
, avec qui nous avons été nous y promener plusieurs fo is , prenaient
ces puits pour les deux sources dont parle Homère ; ce qui
les portait à placer en cet endroit les jardins d’Alcinoiis. Nous
n’avons pu être de leur avis, par la raison que, outre que la ville
s’étendait de l’un à l ’autre port dans un espace assez resserré, et
qui a dû être tout occupé par des maisons, ces e au x , qui ne sortent
pas hors de te rre, n’auraient jamais pu suffire , dans un climat
chaud et sec, à arroser quatre arpens de terre. Il est plus naturel
de penser que ces jardins étaient à l ’occident du port ou au sudr
ouest de la v ille , là où se trouvent deux sources abondantes qui
vont se rendre aujourd'hui dans l’ancien p o r t, après avoir arrosé
un terrain bas et marécageux ; elles ont pu de même être conduites
dans l ’intérieur de la ville, en supposant que les jardins et le palais
du roi fussent placés yers le centre.
On trouvera de même le fleuve où Nausica se rendit avec ses
compagnes, et où elle fut abordée par Ulysse, dans la petite rivière
qui passe à Potamos et va se jeter dans la mer à uneL lieue nord-
ouest de Corfou.
Castradès est bâti tout autour d’une rade peu profonde, mais
abritée des vents de nord et de nord-ouest par le rocher avancé
dans la mer , sur lequel la ville de Corfou est assise. Les habitans
ne sont pas marins comme ceux de Manduchio : ils ont un autre
genre d’industrie ; ils fabriquent en terre des jarres d’une grosseur
considérable , dont on se sert dans toute l ’île , pour conserver
l ’huile d’olive.
Pendant que nous parcourions les divers quartiers de l’île , et
que nous observions ce qu’elle offre de plus intéressant, le; commissaire
du Directoire s’occupait des moyens de nous faire conduire
à Ancône. Déjà il avait donné ordre au capitaine d’une galère
appartenante à la République, de se tenir prêt à mettre à la voile.
Déjà nous faisions nos préparatifs de départ, quand tout à coup il
fut question de faire ce voyage avec le commissaire lui-même , et
de nous embarquer sur la frégate française la Brune, qui se trouvait
depuis quelque tems à Corfou.
La frégate appareilla le xo septembre au matin, et alla mouiller
derrière les quatre îlots inhabités et incultes, connus des Grecs
sous le nom de Tetranisa : ils abritent la rade de Coperta, située
sur la côte de l ’Epire au nord-est du canal. (P/. 5o.)
Demi-heure après qu’elle eut apparedlé, nous prîmes un bateau
pour nous conduire à Butrinto, dont nous voulions voir les ruines,
et où nous avions d’ailleurs à jeter un coup-d’oeil sur les établisse-
mens que les Vénitiens y ont faits.
La mer était calme , et le vent souillait, à peine du sud. Au
moyen de nos voiles et de nos avirons, nous eûmes bientôt dépassé
la frégate, et nous entrâmes dans la rivière de Butrinto , en serrant
la rive droite, afin de franchir plus facilement la barre, sur
laquelle il n’y a guère que trois ou quatre pieds d’eau.
Cette rivière, qu’on prendrait pour un canal à la tranquillité de
ses eaux et à l ’uniformité de ses rives, est à trois lieues nord-est
de la ville de Corfou. Sa la rg e u r , depuis son embouchure jusqu’au
lac qui lui donne naissance , est de dix ou douze toises, et, sa profondeur
de douze ou quinze pieds. Elle coule à travers une terre
d’alluvion, basse, étroite, resserrée d’un côté par la pêcherie de
Giravolia, et de l’autre par l ’étang d’A rmura,
La première est une, rade peu profonde , entourée, de marécages,
dans laquelle on enferme le poisson par le moyen d’une
ou de plusieurs palissades en roseaux, afin de pouvoir le prendre
à volonté. Les-vaisseaux mouillent en sûreté au-devant de cette
pêcherie ,i par quatre , s ix , huit et dix brasses fond de vase et de
sable.
L ’étang d’Armura est moins enfoncé dans les terres ; il a plus de
profondeur, et il est entouré de deux côtés par des collines incultes.
Une bande de terre fort étroite le sépare de la mer, et ne laisse
qu un passage fort é tro it, marqué B sur le plan; par lequel les