Le malheureux D jafïar, Lien plus victime de l’ignorance de ses
médecins, que de son imprudence, touchait au moment où il allait
rendre lé dernier soupir, lorsqu’un événement qu’il était bien loin
de prévoir vint accélérer le moment de sa destruction.
Il y avait dans l ’intérieur du palais trente seigneurs, princes
ou khans, qui s’y trouvaient prisonniers. Ils étaient parvenus, à
la faveur de la maladie du régent et de l ’absence de son fils, à nouer
des intrigues dans la ville, et bientôt après à ourdir une conspiration
qui avait pour but dé se défaire de Djafïar avant le retour de Lutf-
A li. Il ne leur fut pas difficile, moyennant de l’argent et des pré-
sens,, de suborner quelques eunuques et quelques jeunes pages, et
de se faire ouvrir les portes du harem , qui se trouvaient à portée
d’une terrasse sur laquelle ils avaient la permission de se promener.
Lorsque tout fut disposé au gré de leurs désirs, ils descendirent,
vers le milieu de la nuit, avec une échelle qu’on leur procura, et
s’introduisirent dans le eorps-de-logis où le régent était couché.
L a première chose qu’ils firent en y entrant , ce fut d’enfermer
dans leurs chambres les femmes qui s’y trouvaient, avec menace
de les tuer si elles poussaient un cri. Ils pénétrèrent après cela sans
difficulté dans la chambre de Djafïar, lui tranchèrent la tête, et la
jetèrent du haut de la terrasse aux conjurés, ainsi qu’il était convenu
entr’eux. Cet événement eut lieu à Chiras le as janvier 1789.
C H A P I T R E XIX.
Xjutf-Ali parvient à s ’ emparer du pouvoir, et à fa ir e
mourir les conjurés. Guerre entre lui et Méhèmet. ;
conduite dé ces déitôc tiVauài. L u t f-A li est pr is p a r
trahison , et livré à soii erinènû ', qui le f a i t p é r it.
L es mesures avaient été si bien prises, que tous les postes importons
, la citadelle même, se trouvèrent au pduvoir dès conjurés
avant que les habitons d e ’Chiras eussent appris la mort.du régents
Ils en furent affligéis : Djaffàr était èn général aiiné quoiqu’il èût
■Usurpé lé pouvoir, et traité le fils d’A lï-Murad etpbiSieurs seigneurs
avec trop de cruauté : 'oh avait même1 oublié, en faveur de Sa-popU-
larité , des crimes qui de jour en jour devenaient moins révoltons
par leur fréquence.1 Ce n’était certainement pas1 son mérité qui lui
avait gagné le coeur de Ses Sujets : oh savait qu il n était hi intrépide
guerrier, ni administrateur profond, ni politiqué adrûit. Son règne
n ’avait été remarquable ni par des-entreprises utiles , ni par des
conquêtes brillantes, ni, par des batailles décisives. Ce qui le rendait
cher au peuple, o’ëst qu’il l’avait traite avec douceur", c est
qu’il ne l’avait pas accgblé d’impôts p i i avait préféré- puiser dans
la bourse dès grands, plutôt que de v il 1er celle' des malheureux $ il
avait cru plus convenable , plus juste dé faire restituer les sommes
que ces grands avaient extorquées-, et de les-employer àaôlder son
armée et ■ à la mettre au ' complet ; mais il usa trop souvent de ce
moyen : il y eu t recours-quelquefois injustement, et toujours d une
manière révoltante ; il en fut puni. Cette -conduite mal-adroitè" le
mit quelques joui s plus tôt dans la tombe., et elle fut la-cause ou
le prétexte des malheurs de son fils 1 ; 1
Le mérite de ce -jeune prince était pour l e s grands , ttn reprOche
qu’ils ne pouvaient lui pardonner. Etre à: vingt ans l ’idole de la
nation, surpasser à cet âge les guerriers les plus experimentes.,