bien armés et eri état de nous défendre. La caravane était à plus
d’une lieue en arrière. L ’abord fut fro id , silencieux : on se salua
pourtant de part et d’autre en se tenant à quelque distance , et on
se questionna ensuite avec beaucoup de réserve et de circonspection,
Nous apprîmes qu’il y a v a it, à peu de distance , une horde
amie de celle qui nous escortait ; ce qui fit espérer que nous en
serions quittes pour un léger présent. En effet, lorsque la caravane
nous eut jo in t, et que nos deux conducteurs se forent présentés,
les chefs et les marchands parurent très-rassurés.
Ces Arabes nous menèrent camper à plus de deux lieues du
fleu v e , sur une légère hauteur. L a horde n’était qu’à trois cents
pas ; elle avait plus de cent tentes T et pour le moins deux cents
hommes en état de se battre.
Quoiqu’on n’eût alors aucune inquiétude, le camp fut encore
mieux établi qu’à l’ordinaire ; il fut plus resserré : les ballots formaient
une enceinte circulaire qu’il eût été impossible à des chevaux
ou à des dromadaires de franchir. Les fu s ilie r spla cé s au-
devant, se tenaient prêts à agir au premier ordre. Les chameaux
ne furent pas envoyés de suite aux pâturages : on les obligea de
s ’accroupir dans l ’intérieur, et chacun dressa sa tente ou se plaça
entr’eux et les ballots. Ces précautions étaient nécessaires ; il fallait
faire bonne contenance, et se montrer en état de résister ,
afin de réduire les prétentions des Arabes sur les terres de qui nova
étions.
Cependant nos chefs traitaient avec eux ; ils ne tardèrent pas à
venir nous annoncer que tout était arrangé, ét qu’on en était quitte
pour quelqu’argent et pour quelques provisions de bouche.
Peu de tems après, nous vîmes venir plus de cinquante Arabes
tous à pied et sans armes : le scheik était avec eux. Ils apportaient
du la i t , du beurre et du-fromage , qu’ils offraient à très-bas prix.
Nous achetâmes deux moutons, dont on ne nous demanda que
4 piastres , ou i à peu près 8 francs. Nous en tuâmes un sur-le-
champ p l’autre suivit la caravane pendant deux jours.
Le terrain sur lequel nous étions, quoiqu’élevé et assez distant
du fleuve, nous parut propre à la culture : l ’herbe était partout fort
haute et fort touffue. Nous vîmes beaucoup de fanes du G und elia ,
plante dont nous devons la connaissance à Tournefort. Les Arabes
nous dirent que sa racine était fort bonne â manger ; ce qui nous
engagea à faire arracher celles qui n’avaient pas encore donné des
fleurs, et à les faire cuire : nous les trouvâmes bien plus savoureuses
, bien moins fades que celles du salsifi et de la scorsonère.
Je ne doute pas que cette plante ne réussît très-bien dans toute la
France méridionale, et n’y pût devenir une de nos meilleures plantes
potagères.
Les deux Arabes qui nous avaient accompagnés depuis Anah ,
nous quittèrent ici f ils furent remplacés par deux cavaliers que le
scheik campé auprès de nous envoya le soir à la caravane ; ils
avaient ordre d’aller jusqu’à T a ïb , parce que tout cet espace était
occupé par diverses hordes qui toutes appartenaient à la même
tribu. '
Le 20, nous marchâmes sept heures, nous tenant toujours à cinq
ou six milles du fleuve. Le terrain que nous parcourûmes, était uni,
calcaire , assez fertile, un peu plus élevé que celui de la Mésopotamie.
Après avoir fait environ onze milles, nous parvînmes à une large
et profonde excavation, dans laquelle nous descendîmes. La terre
y était moins bonne; le gypse s’y montrait en beaucoup d’endroits;
il nous parut aussi beau, aussi d u r , aussi susceptible d’être p o li,
que celui qu’on exploite aux environs de Mossul. Nous passâmes
devant une source fort abondante d’une eau si Saumâtre, que personne
ne put en boire. A peu de distance de cette source , i l y
avait , sur une crête, un village abandonné, nommé M e sck ed , où
nous ne trouvâmes pas une maison qui ne fût plus ou moins endommagée
, et dont on n’eût enlevé les portes e t les fenêtres. La mosquée
était pourtant encore en assez bon état, quoiqu’elle;n’e û t,
ainsi que, les maisons, ni portes ni fenêtres , et rien que les murs
et le toît. Le minaret était sur pied, ét paraissait avoir été téparé
depuis peu d’annéës.
Au-delà du ravin le terrain était, -comme auparavant, très-
uni et très-fertile : l ’h erbé, quoique sèche , y était fort haute e t