On doit bien présumer que c’est au nord-ouest , au nord, au
nord-est et à l’e s t, que la Caspienne a dû perdre de son étendue,
puisque le sol était bas et uni, etque le Térek, leK o u in a ,leV o lg a ,
le J a ik , le Yemba, le Sihoun et le Gihoun (le Jaxarte et l’O xus)
y amenaient leur sable et leur limon. Le M ogan, à l ouest, présente
aussi une yaste plaine sabloneuse, peu éleyée, formée par le Kur
et par l ’Ara xe , et couverte des coquillages et autres corps marins
de la Caspienne , tandis que la côte montagneuse duChyrvan, depuis
les environs de Terki jusqu’au-delà de Bakou, n’a pas du gagner
grand’chose par la retraite des eaux, la mer y ayant dû être toujours
assez profondes
Le Guilan et le Mazanderan sont visiblement sortis en partie du
sein des eaux : les plaines y sont basses, fertiles, parce que, situées
au pied de très-hautes montagnes, elles reçoivent toutes les terres
qui s’en détachent. Le fond de la mer, au devant de ces provinces,
a dû toujours être vaseux, comme il l’est encore aujourd’hui.
Ainsi la Caspienne baisserait encore , que tout ce qui sortirait
du sein des eaux, dans ces deux provinces , serait bientôt propre
à la culture , attendu que les pluies y sont fréquentes, et que
le sel marin contenu dans ces terres serait bientôt entraîné à
la mer.
Les terres qui se trouvent entre le Don et le Kouban, où nous
disons que commençait le canal de communication, ne sont que-
des terres d’alluvion, semblables à celles des embouchures du Danube,
du Dniéper et du Dniester ; elles ne sont pas stériles comme
celles situées entre le V o lg a , le Jaïk et le Yemba ; elles ne sont'
pas non plus chargées de sel marin ni couvertes de coquilles marines
: aussi produisent-elles des pâturages excellens. On lit dans un
Mémoire extrait d’un voyage Tait au printems de 1784 dans la partie
méridionale de la Russie, page 84, que la terre y est parsemée
de toutes sortes de plantes. On y vo it, selon l’auteur, des renoncules,
des tulipes, des iris , des asperges , des pruniers sauvages,
des cerisiers. Depuis le Don jusqu’à Donskaia, première forteresse
de la ligne établie par les Russes au bas du Caucase ,-c ’est une
vaste plaine de trois cent soixante werstes (un peu plus de trois
degrés) (1 ), dans laquelle-des Tartares et des Kalmouks font paître
de nombreux troupeaux.
¡En considérant cette immense quantité d’eau que reçoit la Caspienne
de plusieurs grands fleuves, tels que le V o lg a , le Jaïk, le
Vembà, le K u r , le Térek , et d’un grand nombre de rivières, de;
ruisseaux et de torrens qui coulent du Caucase , du Guilan, du
Mazanderan et du Khorassan, on sl de là peine à se persuader
qu’elle soit dissipée par la-seule évaporation. La Mer-Noire se
déchargé du surplus de ses eaux dans la Propontide : il a fallu
chercher une issue a celles de la Caspienne. Le romanesque Struys
a imaginé deux goufres dans le golfe du Guilan, dont le bruit,
'd it- il, est tel, qu’on l’entend de cinq à six lieues ; il croit que ce
sont deux abîmes où les eaux de cette mer vont s’engloutir. -Quelques
voyageurs ont été plus loin; ils ont avançé que les eaux de la
Caspienne avaient, par ces goufres, une issue dans le golfe Per-
sique, et pour preuve de cela ils ont assuré qu’on voyait chaque
année sur la mer, aux environs d’Ormus, des feuilles de saule en
grande quantité. O r , le sanie, selon e u x , croît abondamment aux
environs de la Caspienne) tandis qu’il ne se trouve pas dans Tin*
térieur de la Perse.
Je ne sais si- le fait qu’ils avancent au sujet de ces feuilles est vrai
ou fau x; mais fût-il vra i, rien ne prouverait qu’elles viennent'de
la Caspienne : le fleuve des Arabes pourrait bien plus facilement
les avoir charriées. On sait que le Tigre reçoit un grand ^nombre
de rivières qui viennent du Curdistan et des frontières de la Médîe,’
ou cet arbre est assez commun; i l se trouve d’ailleurs aux environs
de Bagdad, et peut-être, aussi.dans la partie la plus méridionale de
laPerse. Le trajet que cesfeuilles auraient àparcourir si elles étaient
amenees par la Diala ou le petit Z a rb , serait moins long que par
les canaux souterrains que Ton a imaginés.
Quant aux goufres, ils n’existent certainement pas. On voit seulement
aux environs de Bakou, des sources de naphte ou bitume
noir qui coule dans la mer : on en voit en plus grande quantité à
(1) Cent quatre werstes font un degré de l ’équateur.