artisans de cette nation, des tailleurs d’h abit, des brodèurs, des
charpentiers, des forgerons, au milieu de leurs travaux, avoir sans
cesse à la bouche une pipe de deux aunes de long : l’attitude gênée
qu’elle leur occasionnait, la tête qui ne pouvait suivre lesmouve-
mens de leur corps, les rendait tout-à-fait ridicules.
Le tabac dont usent les Persans pour le narguil, est le même que
nous employons si mal-à-propos pour le nez ; il est cultivé dans
le pays , et connu sous le nom de tumbak ou tombale. Il est beaucoup
plus fort que le tabac tu r c , parce qu’on ne cueille les feuilles
que lorsqu’elles sont un peu avancées. Celui que le peuple consomme
, fait avec toutes les parties de la plante , est si a cre, qu il
est obligé de le laver , et d’en exprimer le suc avant de le mettre
au narguil. Il en c ro ît, aux environs de Chiras, dune quahte si
renommée, qü’ellé se vend, dans le pays, j Usqu’à neuf ou dix piastres
turques le batman ou les six livres ; le plus commun ne vaut
pas plus d’une piastre.
On sait que le café, originaire de l’Arabie, et usité ën Perse depuis
un teins immémorial , avait donné lieu , dans ce pays, à 1 etâ-'
blissemént d’un' grand nombre de maisons publiques nommées
kahvé-kahné, où les oisifs allaient se rendre pour y prendre quelques
tasses de cette boisson,, y faire la conversation, y ■apprendre
les nouvelles politiques , y entendre des sermons , des histoires,
des pièees de vers , des contes, et y jouer aux échecs , aux dames
et autres jeux semblables.
Les voyageurs parlent des cafés persans bien avant qu’on les
connut en Europe' : ceux d’Ispahan et des grandes villes de la Perse
étaient d’un luxe auquel heureusement nous sommes bien loin
d’avoir atteint : c’etaient des salons fort spacieux, ou 1 on voyait
des bassins, des jets d’eau au milieu, une estrade tout autour, des
coloniies ou piliers fort élégans', qui supportaieut un dôme fort
élevé, richement décoré : on y était servi par de jeunes Géorgiens
d’une figure très-jolié, d’uri maintien trèS-lascif, fort proprement
vêtus, et coiffés comme de jeunes demoiselles. li
Ces cafés ne sont aujourd’hui, ni aussi nombreux, ni aussi fréquentés;
ni aussi bèaûx- qu’ils l ’étaient autrefois. Les Persans se
sont abstenus, durant les troubles civils-, de fréquenter des maisons
ou ils ne pouvaient plus causer.en liberté,-nimême se montrer sans
donner lieu à. des informations ; ¡à des perquisitions qui pouvaient
leur devenir, funestes,'fils se sdnt deshabitués peu à peu d’unë boisson
qui devient chaque jour d’un usagé!plus général parmi les Turcs-.
On sait qu en Turquie, les Musulmans ; îles Grecs, les Arméniens
et les Juifs prennent du café p u r à toutes les heures de la journée >
et qu’ils ne reçoivent aucune visite sans en,offrir. En Perse;, on
offre des sorbets, des confitures ; on prodigue les! essences ,i on brûle
des parfums, on fait passer plusieurs fois, de main- en mâin le n ar-
gü il, mais! on donne rarement du café. - ; !
La plupart des kahvé-kahnés qUe l’on voit encore à Ispahan, ne
distribuent autre chose que des pilules; d’opium et des breuvages
fints avec les têtes de.payotou avec les feuilles et les sompiités de
chanvre.
L ’opium est d’un usage plus général; en Perse,,aqù!en Turquie,;
mais on y-voit bien moins de ,cOs, hommes-qui le prennent avec
excès, et qu’on désigne-, dans, les deux;Empires., sous le nom offensant
de tkeriakis., Qn p eu t, à cet égard, comparer la Perse aux
États d.Europe; où le. vin est .abondant, et où les ivrognes sont rares ;
et la, Turquie à,ceux q.ui n’en font point," et où bon rencontre, plus
fréquemment des, hommes ivres. -, ,; \ ? ;, , ,
L opium ost fort commun en Perse : le meilleur et le pins estimé
est celui que 1 on récolté dans les provinces méridionales; On cultive.
-aussi, aux environs .d’Ispaham,;.le'¡pavot, qui prptiuit cette
substance , et on ¡en tire un opium qui passe pour-être d’une qualité
un p eu inférieure,
Les riçhesPersans ne prennent jamais lîopium pur; ils le préparent
avec divers aromates qui le rendent plus céphalique , plus
cordial, plus fortifiant; qui corrigent ou tempèrent ses qualités narcotique
et stupéfiante. Les. substances qui entrent le plus,communément
dansples pilules qu’on en fa it , sont.le musc, l’ambre,, le
benjoin, le macis , la noix muscade, le cardamome, la canellè, le
girofle, le safran.
La dose de l ’opium ainsi préparé, pour-ceux qui s’y sont habitués
V 2