navires qui passent de nuit dans le canal, tâchent d’éviter en s’approchant
le plus qu’ils peuvent de Thiaki ; il est peu etendu et
inhabité.
Le 22, nous partîmes à deux heures du matin , afin de pouvoir
doubler le cap méridional de Sainte-Maure avant le rètour du vent
de nord-ouest, auquel n ous nous attendions depuis que nous avions
atteint Patras, comme à relui d’ouest lorsque nous étions dans le
golfe d’Athènes ou dans celui de Lépante ; car il faut observer que
dans le tems dès plus fortes chaleurs, le vent suit assez régulièrement
le golfe Adriatique, et souffle conséquemment du nord-ouest
tous les jours depuis neuf ou dix heures du matin jusqu au soir, et
qu’arrivé dans le golfe de Patras, il se modifie, entre dans celui de
Lépànte en suivant la direction de cette mer de l’ouest à l’e st, traverse
l ’isthme et arrive à Athènes par l’ouest. C’est ce vent de mer,
ce vent doux, rafraîchissant, qui était connu des Athéniens sous
le nom de zéphyr ; il tombe presque toujours à la nuit, et alors
c ’est un léger vent de terre qui souffle des côtes à la mer.
Nous étions déjà à plus d’une lieue de la côte la plus septentrionale
d’Ithaque lorsque nous vîmes tirer un coup de canon à deux
ou trois milles de nous, vers le nord , par un très-petit navire
auquel nous n’avions pas fait attention jusqu’alors. Celui sur lequel
on avait tir é , était de notre côté, et paraissait faire route au sud ;
il mit aussitôt pavillon impérial. Nous ne voyions pas bien le pavillon
du corsaire ; mais comme il ne nous parut pas être français, et
que tout corsaire étranger devait nous être suspect, nous prîmes
le parti de virer de bord et de nous diriger sur Céphalonie, d’autant
plus que le vent était déjà contraire. Dans moins d’une heure
nous vînmes jeter l’ancre au port Fiscardo ou V ise ardu, situé au
nord-est de Céphalonie : l’île d’Ithaque n’était qu’à une lieue de
distance.
: (Déport est petit et assez sûr ; il est formé de deux anses ouvertes
au vent d’est et à celui de sud-est, mais garanties par l’île d’Ithaque.
Il y avait autrefois une ville dont il existe quelques ruines, et
l’on voit sur le cap oriental les restes d’un fort bâti par les Vénitiens
pour défendre la ville, le port et l’entrée du canal. Le terrain autour
du port est calcaire, très-rocailleux, planté, en quelques endroits,
de vignes et d’oliviers. Près de là est un village d ou nous tirâmes
quelques pro vision s.
A la nuit nous fîmes voile avec un petit vent de sud, et le 23 au
matin nous nous trouvâmes à plusieurs lieues au nord-ouest de
Sainte-Maure. Le reste de la journée nous tînmes la mer avec le
vent contraire, et le 24, en nous levant, nous fûmes.entre Paxos
et la terre-ferme. Nous louvoyâmes quelque tems pour atteindre
le beau port de Paxos , situé à la partie, orientale de l ’île. Après
quelques heures de travail, nos mariniers jugeant qu’ils n’en pourraient
venir à bout, se décidèrent à aller à Parga.
Cette ville , qu’on nous dit avoir environ quatre mille habitans,
est située sur un rocher qui s’avance en cône dans la mer, et forme,
au milieu d’une baie, deux ports, dont l’un, vers le nord, un peu
plus grand que l ’autre, est ouvert et peu sûr ; l’autre, situe du
côté du midi, ne peut recevoir que de petits navires ; il est ferme
par quelques rochers et par une jetée qui part de ces mêmes rochers.
On remarque aussi une petite jetée dans le grand po rt, du
côté opposé à la v ille , qui n’est propre qu’à abriter quelques
bateaux. L ’été, on mouille en sûreté dans toute la rade ; mais
l’hiver, les gros navires doivent éviter de venir à Parga; ils y
seraient trop exposés aux vents de nord-ouest, d’ouest et de sud-
ouest, qui soufflent quelquefois avec la plus grande violence.
La ville a une enceinte assez forte du côté de la terre, et elle est
défendue, du côté de la mer, par les rochers très-escarpés sur lesquels
elle est assise. La citadelle, bâtie en arrière ou à la partie la
plus large du cône, domine toutes les maisons et les deux ports ;
mais elle est elle-même dominée par une montagne d’une hauteur
assez considérable, qui ée trouve à très-peu de distance vers l’est.
Parga, comme propriété vénitienne, venait d’être réunie depuis
peu à la France, et faisait partie des trois départemens qu’on avait
établis dans la mer Ionienne; nous y trouvâmes garnison française.
Le territoire de cette ville n’est pas fort étendu; mais il est trèsr
fertile, très-arrosé, et assez bien cultivé. L ’oeil se promène avec
plaisir cfu haut de la ville sur les deux ports, sur les deux vallons