dans tout l ’Empire la tranquillité , dont tous les citoyens avaient
besoin.
Il ne négligea pas non plus de se rendre favorables lès habitans
de Chiras et de tout le Farsistan. Il savait que ce pa y s, un des plus
productifs et des plus peuplés de la Perse, pouvait, dans toutes les
occasions, lui faire passer beaucoup de subsistances , et lui fournir,
en cas de défaite, un grand nombre de gens de guerre.
Les Arabes du Kermesir pouvaient aussi lui être utiles : il envoya
auprès d’eux un de ses frères (1) pour tâcher de les ramener
à l ’obéissance, ou tout au moins pour en tire r , dans le besoin, des
secours en hommes et en argent.
Les gouverneurs du Kerman et du Laarestan fixèrent aussi son
attention : il chercha à gagner leur amitié, en attendant qu’il pût
les réduire ou de gré ou de force.
Lorsqu’il crut avoir assez fait dans le midi pour y établir son
crédit et s’y ménager des ressources , il tourna ses regards vers le
nord. Il prit avec son armée la route de Cachan, Korn et Téhéran,
et se rendit à Damegan sans rencontrer un ennemi. Moharnmed-
Hassan-Khan était venu l ’attendre sur les bords de la petite rivière
de Méhmandost, au même lieu où Nadir autrefois avait triomphé
des Afghans.
Ces deux rivaux desiraient depuis long-tems d’en venir aux
mains ; ils regardaient la bataille qu’ils allaient se livrer , comme
devant être décisive , comme devant assurer le pouvoir au vainqueur.
L ’armée de Mohammed-Hassan, forte de trente-cinq à quarante
mille hommes, était composée de Kagiars, de Turcomans, d’Ouz-
beqs et d e quelques Persans levés dans le Guilan et dans le Mazande-
ran. Il y avait dans celle de Kérim environ vingt-cinq mille Curdes
et Bakhtiaris du Loristan , cinq ou six mille Arabes du Kermesir, et
sept ou huit mille Persans tirés du Farsistan et de l ’Irak-Adjem.
On avait rarement vu deux armées si égales par le nombre et
la bravoure des troupes , par l’habileté et le courage des chefs.
(1) If en avait troip • Sadek-Khan , Zéki-Khan et Sagdiani-Khan.
Mohammed-Hassan,
Mohammed-Hassan, plus âgé que son r iv a l, avait sur lui l ’avantage
d’être plus exercé dans l’art de commander ; il connaissait mieux
les ressources de la guerre ; il savait mieux tirer parti de la disposition
d’un terrain, mais Kérim avait un courage plus soutenu ; il
conservait mieux, dans le danger, sa présence d’esprit ; il savait
mieux s’attacher le soldat.
Les deux armées s’étant trouvées en présence à la fin. du jou r ,
elles passèrent la nuit à s’observer. Le lendemain, elles attendaient
avec impatience le signal du combat : Kérim le donna au moment
où le soleil parut sur l’horizon. Toutes ses troupes y répondirent
par le cri terrible de guerre, et se disposèrent aussitôt à passer la
rivière : elle n’était pas assez considérable pour les arrêter ; en un
moment elles furent à l’autre bord, et le combat s’engagea. Les
Curdes du centre se battirent avec tant de courage, ils chargèrent
plusieurs fois avec tant d’impétuosité, qu’ils renversèrent enfin tout
ce qu’ils rencontrèrent; ils crurent la bataille gagnée. L ’aile gauch
e , ou combattaient les Bakhtiaris, venait d’obtenir le même succès;
mais l'aile droite , où.se trouvaient les Arabes, fut repoussée
avec perte par un corps plus nombreux de Turcomans et d’Ouz-
beqs, et obligée de repasser en désordre la rivière.
Cet échec qu’éprouvà l ’aile dro ite, n’aurait pas eu lieu, et la
victoire se serait probablement décidée en faveur de Kérim si une
division de six mille Persans qu’il avait détachée pendant la n uit,
avec ordre de passer la rivière à quelques milles du camp , et de
tomber sur l’ennemi dès que le combat serait engagé, avait pu exécuter
ponctuellement ses ordres. Arrêtée dans sa marche par quelques
ruisseaux, et obligée ensuite de tourner des champs inondés,
elle ne put arriver assez tôt pour soutenir les A rabes, et faire subitement
pencher la balance de leur cô té ..
Ce contre-tems , qu’il était sans doute difficile de prévoir, fut
fatal à Kérim. Le centre où il combattait , ne put conserver ses
avantages; Mohammed-Hassan y avait porté l ’élite de ses troupes.
Les TurComans et les Ouzbeqs, qui venaient de culbuter les Arabes,
se joignirent, pour la plupart, aux Kagiarsducentre, et tombèrent
de toutes leurs forces sur les Curdes. Ceux-ci résistèrent quelque
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