C H A P I T R E XVI I .
Eloge deKêrim. Z éh i-K h a n s ’ empare du pouvoir. Révolte
d ’A li-M u ra d Khan. Zék i-Khan est tué au milieu de
son armée. Aboul-Fétah-Khan en prend le commandement
, et se fa it reconnaître pour le c h e f de l ’Empire.
Sadek-Khan se dispose à succéder à Kérim ; i l f a i t
aveugler Aboul-Fétah. Nouvelle révolte d’Ali-Mourad-
K h a n ; i l assiège Chiras , la p r en d , f a i t massacrer
Sadek et tous ses fils , et s ’empare du pouvoir.
L e règne de Kérim n’avait pas été aussi brillant que celui de
.Nadir ; ses victoires n’avaient pas étonné l’Europe ni fait trembler
la Turquie. Le peuple , moins agité, ne s’était pas autant couvert
de g lo ire , mais il avait été plus heureux : il avait pu se livrer sans
inquiétude à ses occupations, à ses goûts, à ses plaisirs ; il n’avait
pas craint d’être dépouillé de ses biens, d’être transporté de force
, dans quelque province éloignée, ou obligé d’aller se battre pour
des intérêts étrangers ou contraires aux siens. Les guerres que lit
Kérim après s’être, emparé d’un trône q u i, n’appartenant à personne
(1), pouvait être la proie du plus brave ou du plus adroit,
avaient pour objet d’assurer la tranquillité de l’Empire, de maintenir
les khans dans le devoir, de forcer au tribut les scheiks arabes
qui voulaient s’y soustraire. Ses conquêtes ne tendaient pas,.comme
celles de N ad ir, à ravager le Monde pour l ’asservir, à dépouiller les
peuples pour les subjuguer, à marcher sur des cadavres ou sur des
ruines afin d’arriver au pouvoir absolu} elles avaient un but utile.
La prise deBassora, ville qui avait autrefois appartenu à la Perse,
(1) On n’a jamais cru en Perse , qu’Ismaël fût issu de Chah-Hussein r c’était une
ruse qu’Ali-Merdan avait imaginée pour capter les suffrages du peuple.
assurait à cet Empire un commerce plus étendu. La religion eût été
satisfaite si les contrées qui renferment les dépouilles dés mortels
vénérés des Persans avaient pu passer sous leur domination, ainsi,
que le projetait Kérim lorsque là mort le surprit. ,
Réparer les maux que la. tyrannie et les troubles civils avaient
occasionnés, inspirer de la confiance aux Persans et les engager à
se livrer au trav ail, les faire jouir de la paix au dehors., et leur
assurer la tranquillité au dedans, tel fut le voeu constant de Kerim.
Sous son règne, les caravanes ne furent jamais pillées, les cara-
vanserais furent réparés, le commerce 'fut protégé ; le peuple ne fut
pas écrasé par des impôts; l’ordre sé rétablit partout, la justice fut
prompte et sévère, mais impartiale; et pour faire, en deux mots,
l ’éloge de ce prince , il fut généralement regretté à; sa mort, et sa
mémoire aujourd’hui est en vénération.
L e respect que cet homme avait imprime aux Persans pour sa
personne, et la certitude que les grands avaient de la supériorité
de ses talens, empêchèrent que son règne ne fût troublé ; mais à
sa mort , tout prestige étant détruit, toute crainte cessant, les
ambitieux-s’agitèrent de nouveau pour s’emparer du suprême
pouvoir.
. La race des Sophis était éteinte ,- celle de Nadir n’existait plus
ou était indemnisée par le Khorassan. Kérim venait de regner en.
Perse avec gloire ; il avait cicatrisé les plaies de l’Etat ; à lui devait
commencer une nouvelle dynastie $ il devait avoir pour successeur
celui que la naissance, le voeu du peuple et de l’armée y appelaient.
: Aboul-Fétah-Khan Son fils aîné n’avait pas son génie, sa grandeur
d’aine, ses talens militaires ; néanmoins on lui reconnaissait de
l’intelligence; de la droiture, de la bravoure-, et une infinité de
qualités qui pouvaient faire espérer un règne heureux. Le peuple
l’aimait; l’armée avait pour lui de l'estime ; les grands, en général,
n’étaient pas fâchés de le voir monter sur le trôné : rien ne semblait
s’y opposer quand tout à coup Zéki-Khan son oncle parut
pour le lui disputer.
Depuis que Zéki-Khan était rentré eiï grâce, il avait constamment
joui d’un très-grand crédit; il avait plusieurs fois, commandé