» florissantes ! Mais n on , sa cruelle méfiance a fait disparaître tout
■» ce qui lui portait ombrage, et les chefs de tribus et les grands
» de l’Empire qui lui sont vendus , partagent avec lui les dé-
» pouilles du peuple, et la nation est plongée dans' une sorte de
» stupeur. »
Nadir n’ignorait pas les efforts que faisaient les ministres de la
religion pour soulever les Persans contre lu i; aussi cherchait-il à
les apauvrir, à les déconsidérer, à leur ôter toute l’influence qu’ils
avaient sur le peuple. C’est dans cette vue qu’il ordonna aux missionnaires
européens, aux vertabieds ou docteurs arméniens, aux
rabins et aux mollas de s’assembler, de traduire en langue persane
la B ib le et le K o ra n , et de les lui apporter à Téhéran où il devait
se rendre. A l ’audience qu’ils eurent à cet effet, N adir, en présence
de tonte sa cour, se moqua des uns, plaisanta les autres, les tourna
tous en ridicule ; puis faisant enfermer leurs livres dans une cassette,
il leur dit de se retirer et de vivre en bons amis en attendant qu’il
leur donnât à tous une religion nn peu plus raisonnable que celle
qu’ils avaient jusqu’alors pratiquée.
Avant de quitter le Khorassan, Nadir avait envoyé un gouverneur
â Kaboul avec des forces considérables pour soumettre les
Afghans ; il avait fait armer une flotte dans le golfe Persique pour
faire tête aux Arabes ; il avait laissé à Mesched son fils Nasralla
avec beaucoup de troupes pour contenir les Turcomans et les Ouz-
beqs, et il était parti à la fin de février 1741 pour aller en personne
faire la guerre aux Lezguis.
Son armée eut beaucoup à souffrir du froid , de la neige et
ensuite de la pluie. Il périt près d’un dixième des soldats au défilé
de Kéramly (1 ), qui se trouve à l ’orient d’A ster-Abad : hommes,
chevaux et bagages furent engloutis dans les eaux de la rivière qui
y coule , et qui s’enfla tout à coup. Ge qui occasionna une perte
si considérable , c’est qu’on fut obligé de suivre long-tems cette
r iv iè re , et de la traverser plus de vingt fois avant de sortir du
dé filé.
(1) Voyage à la Mecque, pag. 76.
• Lorsque l’armée eut dépassé A chref et Sarou, Nadir, qui se trouvait
en avant, à quelque distance d’elle , et qui marchait seul au
milieu de son harem et de ses eunuques, fut assailli tout à coup
par deux hommes qui fondirent sur lui dans l’intention de le tuer :
l ’un des deux lui ayant tiré un coup de fusil, la balle l’effleura, le
blessa légèrement au bras, et alla frapper son cheval à la tête. Nadir
eut la présence d’esprit de se laisser tomber et de faire le mort. Les
assassins, qui crurent l’avoir tu é , prirent la fuite sans lui porter de
nouveaux coups (1).
Le prince Riza-Kouli-Mirza , ainsi que les officiers du ro i, ayant
accouru aux cris que poussèrent les femmes du harem , se mirent
à la poursuite des deux hommes sans pouvoir les atteindre ; ils se
sauvèrent facilement à la faveur des bois dont cette province est
couverte. .
Le roi continua sa route, et vint avec son armée à Téhéran; il
laissa dans cette ville son fils R iza , puis se rendit, par Casbin, dans'
le Chyrvan et le Daghestan, où il reçut la soumission des Lezguis
les plus voisins des côtés ; mais ceux de l ’intérieur résistèrent :
divers corps de troupes qu’il envoya'contre eux furent défaits ; lui-
jnême marchant contre ceux de la tribu d’Oar ou d’A v a r , voisins
de la Circassie, eut beaucoup à. souffrir ; il eut à traverser, par des
sentiers a ffreux, de très-hautes montagnes sans pouvoir les atteindre.
Sans cesse harcelé par de petits corps qui se postaient aux
défilés les plus étroits, et qui disparaissaient avec la promptitude
de l ’éclair , il éprouva des pertes considérables, auxquelles il fut
d’autant plus sensible, qu’il ne put jamais à son tour faire du mal
à l’ennemi.
Cette guerre, à laquelle les troupes de Nadir étaient peu faites,
l ’obligea, après douze jours de marche, à rétrograder et à rejoindre
sa cavalerie qui était restée presque toute à Derbent. Il prit alors
le parti de séduire les chefs par des présens et par des offres très-
avantageuses. Mais ce moyen ne lui réussissant pas mieux que
celui des armes, il fit élever des forts de distance en distance, afin
(i)Voyage à lu Mecque, pag. 84-— Histoire de Nadir-Chah, a*, part.,pag. 22.