de deux à trois pouces, recouverts en chagrin ou en galuchat, de
couleur ordinairement v e r te , qui ne rendent pas leur démarche
bien assurée, mais qui lès garantissent de la boue. Ces souliers ont
un quartier qui se relève; ils sont en tout semblables à ceux que
portaient nos femmes il y a quelques années. Le bout du talon est
ferré, au lieu que celui dé nos femmes était plus ordinairement garni
en cuir. Le dessus de ce soulier est fait d’une peau de cheval qu’on
prépare dans le pays, et qu’on teint en vert.
On porte aussi des bottes, soit qu’on monte à cheval, soit qu’on
aille à pied dans la' ville ; elles sont plus solides, mieux faites, et un
peu mieux ajustées que celles des Turcs : on choisit à cet effet une
peau de veau teinte en noir.
Les souliers des gens de la campagne ont un talon plat et ferré
(p l. 34, fig . 1 ) ; la semelle est d’un cuir de chameau; le dessus est
un tricot de coton très-gros et très-serré, qui joint la souplesse à la
solidité. -
On porte à la ville des dëmi-bas tricotés, de laine Ou de coton :
nous en avons vu beaucoup, et nous en avons porté nous-mêmes.,
sur lesquels on avait représenté, en diverses couleurs, des oiseaux
assez mal dessinés. A la campagne on est sans bas tout l ’é t é , et
l ’hiver on se sert de bandelettes qu’on arrange de manière à ce que
la jambe soit toute recouverte, et se trouve par ce moyen garantie
du froid.
Unè remarque que nous ont fait faire les divers habits que nous
avons été obligés de porter dans nos voyages, c’est que le vêtement
influe beaucoup sur nos facultés ¡physiques et morales. Le Persan
doit peubêtre-à son habit plus simpleTplus dégagé, moins ample,
moins pesant que celui d u T itr e , tons les avantages qu’il a sür lui,
ces manières plus aisées, par exemple; ces mouvemens plus accélérés,
cette plus grande aptitude aux travaux manuels, cet esprit
plus v i f , ce jugement-plus prompt, qui frappent l ’étranger aux
premiers pas qu’il; fait dn.Perse. L ’habit turc condamne peu à peu
¡l’homme à :l’inaction enlrendant trop pénibles les mouvemens du
corps : l ’habit.persan!au;iContrairel, encore plus que le nôtre,
permet d’agir à l’instant suivant : les conceptions de la tête, ou
suivant l’instinct purement animal qui veille à notre conservation.
Nous l’avons éprouvé nous-mêmes : enveloppés dans l’habillement
des Turcs, nous avions de la peine à nous décider à faire usage
de nos bras et de nos jambes; déjà nous étions devenus, comme eux,
indolens et paresseux. Trois ou quatre années peut-être auraient
suffi pour que notre moral s’engourdît dans les mêmes proportions
que notre physique ; au lieu qu’ayec l ’habit persan, qui, nous fatiguait
moins que nos habits européens, nous avons joui complètement
de toutes nos facultés.
Nous pourrions , s’il le fa lla it, citer, à ce sujet ce qui se passe
parmi nos Européens, dans quelques villes du Levant. Ceux q u i,
pour complaire à leurs femmes, ou pour s’assujettir à toutes les
habitudes du pays , quittent l’habit européen pour prendre Celui
du pays, deviennent en peu de tems de véritable^ Turcs; ils cessent
insensiblement de faire usage de leurs membres ; leur tête même
cesse d’agir; toutes leurs affaires de commerce ne sont bientôt plus
qu’entre,les mains des commis et des courtiers.
Ainsi donc le vêtement influe, plus puissamment qu’on ne c ro it,
sur les habitudes et le caractère des hommes : c’est le vêtement,
encore plus que le climat et les lois , qui les rend actifs ou paresseux,
industrieux ou inhabiles. Voyez le Turc en E gypte, en Syrie,
dans l’Asie mineure, dans la Grèce.; partout où il est affublé de ces
larges et trop pesans habits, partout où. il est enseveli sous deux
ou trois pelisses, son esprit est en rapport avec son corps : c'est en
quelque sorte un automate qui ne pense pas, qui remue avec peine
et lenteur les doigts , la langue et les y eux, et fort rarement les
mains et les pieds, Voyez ce même homme dans le même pays;
vêtu légèrement, il est excellent rameur, ouvrier intelligent, soldat
audacieux.
Pierre- le-Grand , n’en doutons pas, a plus fait pour sa nation en
la forçant à changer de. costume, que par les lois et les réglemens
que son génie a dictés.
Ordinairement les Turcs ne. se permettent pas de porter des
bijoux d’or ; on leur voit rarement des pierreries. Les Persans, au