quatre journées au nord. Le prix fut bientôt fait : nous consentîmes
à donner la somme qu’on demandait, et à payer tous les chèvaux
qu’on avait amenés, quoique nous n’en eussions besoin que de s ix ,
mais à condition qu’on nous accorderait deux jours que nous voulions
employer à parcourir les environs.
Celindro est un port naturel à l’abri de tous les vents, excepte
du siroco. C’est, à proprement parler, une anse peu profonde, peu
spacieuse, formée par une langue de terre qui s’avance dans la mer
de l’ouest à l’est. Un bâtiment y 'e s t en sûreté- moyennant deux
cables attachés à terre, et une ou deux ancres mouillées au large.
A u dessus du port on voit les ruines d’une ville peu étendue :
c ’est l’ancienne Celenderis, dont parle Strabon. Elle était située; au
bas de la montagne qui s’avance ici en pente douce jusqu’à la mer :
on y apperçoit encore beaucoup de vieux murs ; on y voit des tombeaux
avec des caractères grecs peu lisibles. Au nord-est nous avons
suivi à plus d’une liepe sur la montagne, un aqueduc bâti à fleur
de terre ; il paraît avoir amené les eaux d’un petit ruisseau que nous
traversâmes en allant à Caraman.
Cette côte est déserte quoiqu’elle soit partout susceptible de culture
: la vigne, l’olivier, le mûrier, réussiraient très-bien partout :
on voit à leur place le caroubier, le poirier sauvage, le térébinthe,
le paliure, le genêt d’E spagne, le lentisque, le myrte, le pin d’A lep ,
et en quelques endroits le cyprès et le laurier.
Le 20 , nous fûmes en nous promenant jusqu’au port F ig u ier : il
est à une heure de chemin, à l’occident de Celindro. C’est une anse
peu' profonde, ouverte au sud : les vaisseaux y mouillent, et y
sont en sûreté quelque tems qu’il fasse, parce que le fond est bon,
et qu’il se trouve, à l’ouest du p o r t , un îlot presque contigu à la
terre^qui les met un peu à l’abri du vent de sud.
La montagne s’avance, comme à Celindro , jusqu’au bord de la
mer, et forme, au-devant du p o rt, un vallon étroit, qui nous parut
de la plus grande fertilité. Nous ne pûmes nous faire jour à travers
la ronce, la vigne sauvage, la clématite,' le figuier et une infinité
d’arbres , d’arbrisseaux et de plantes qui y croissaient avec une
force de végétation surprenante. Il sort du pied de la montagne ,
fort près du rivage, une eau très-abondante et fort bonne, dont
les marins qui mouillent dans ce p o r t, ne manquent pas de faire
provision. - -
On avait bâti autrefois une ville sur l ’îlot et sur la pointe de
terre qui y fait face : on en voit encore les ruines; mais, d’après
le peu d’étendue qu’elle occupait, il ne paraît pas qu’elle ait été
considérable.: c’est probablement la ville d’Arsinoé, que Strabon
place en Cilicie. Les Italiens et les Provençaux ont donné à ce lieu
le nom de Porto-Figuero , à cause de quelques figuiers sauvages qui
se trouvent près du rivage.
Toute la montagne est calcaire. Nous trouvâmes un grand nombre
de plantes dont nous prîmes les graines : la plus commune était
une germandrée à feuilles de romarin ( teucrium rosmarinifolium),
qui a fort bien levé au Jardin des Plantes de Paris.
Nous partîmes de Celindro le 2 a septembre , à neuf heures du
matin, en nous dirigeant d’abord à l ’est, puis au nord. Nous montâmes
beaucoup ; la roche se montra partout calcaire et fort dure ;
nous eûmes long-tems la vue de la mer; l’île de Chypre se dessinait
dans le lointain derrière nous ; le cap Anémur nous restait au sud-
ouest; nous avions sous nos y eu x, au sud-sud-est, le promontoire
Sarpedon, au-delà duquel, selon nos- conducteurs , se trouvait
l ’embouchure d’un fleuve que nous devions passer le lendemain
et là ville de Sélefkéh, l’ancienne Séleucie, que l’on sait avoir été
placée à peu de distance de la mer, sur le Calycadnus.
Ces lieux rappellent le traité qui fut fait entre lés Romains: et
Antiochus, où il est dit entr’autres que ce dernier ne pourra naviguer
en deçà ou à l’occident du Calycadnus et du promontoire
Sarpedon.
Après trois heures de marche, nous nous reposâmes sous un
platane majestueux, près d’un ruisseau qui coulait à travers des
rochers : ses eaux étaient fraîches, et ses bords couverts de belles
plantes. Nous fîmes préparer, ainsi qu’on nous l’avait conseillé,
un grand plat de riz au beurre, que nous mangeâmes avec nos
conducteurs : nous leur fîmes part de quelques provisions que nous
avions emportées ; nous leur fîmes donner du tabac et du café :
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