et de Cara-Hissar. Le toit n’est pas en terrasse , mais couvert d’une
tuile creuse, semblable à celle qu’on emploie dans le midi de la
France. Les rues sont étroites, et servent de ruisseaux : il passe continuellement,
dans quelques-unes, de l’eau bourbeuse, et chargée
de beaucoup d’immondices. On a pratiqué de chaque côté , pour les
gens àp ied , un trottoir assez élevé, mais peu large; ceux à cheval
passent au milieu de la ru e , et marchent lentement pour ne pas
éclabousser les piétons. L ’eau est très-abondante à Kutayéh, et fort
bonne à boire. J’ai vu peu de pays où il y ait autant de fontaines :
on y voit aussi plusieurs besestejms, plusieurs càravanserais,- et un
grand nombre de mosquées assez belles.
Une partie de la ville .est bâtie sur un monticule isolé, autour
d ’un château qui tombe en ruines ; elle est entourée, comme Tau-
t r e , d un vieux mur qu’on néglige de réparer.- Autrefois il n ’y
avait que les gens de guerre préposés, à la' garde du château, qui
dussent loger dans cette enceinte; il y a aujourd’hui des Turcs de
tous les états : on observe seulement de ne pas y laisser , habiter des
Arméniens et des Grecs.,
Kutayéh est la capitale d’une province fort étendue, et le siège
d’un pacba de premier rang, ayant le titre de beyler-bey de Nato-
lie , e t la prééminence sur tous les pachas d’A sie.
Le territoire de cette ville est un des; pins beaux, des plps arrosés
et des plus fertiles de l ’Asie mineure; il produit en abondance du
froment , de l’o jg e , des graiùs, des fruits, des légumes. Nous y avons
mangé des raisins excellons, des pastèques, des grenades, des noix ,
des poires, des pommes,, des châtaignes fort bonnes. On recueille
aux environs beaucoup de noix de galle.ion-y a de la cire; on y;
élève beaucoup de troupeaux qui donnent une laine assez-fine. On
y trouve une pierre blanche fort tendre, dont on fait des-noix de
pipes que l’on taille seulement, et qu’on ne passe pas au feu; elles
durent autant et même plus que celles faites avec une terre cuite.
L e sol baisse depuis là montagne que nous avons traversée le 9 ;
ce qui rend la température, de -Kutayéh. pour le moins aussi douce
que celle d Aksheer, de Koniéh et de Caraman : il y neige, ainsi
que dans tout l’intérieur de l’A sie mineure, en janvier et en février;
mais l’hiver y est assez court. Les chalenrs de l ’ete n y sont pas
plus fortes qu’à Constantinople, parGe que l’air y est rafraîchi par
le vent de nord, qui souffle chaque jour de la Mer-Noire.
Depuis Caraman les chemins sont beaux , et permettent d’un
village à l’autrè, et des champs aux villes, le transport des denrees
par le moyen de chariots traînés par des boeufs ou par des buffles :
ceux-ci sont assez beaux ; mais les boeufs sont en général fort petits.
Le transport des marchandises se fait par des chevaux, des mulets,
des ânes, et par les deux espèces de chameaux qu’on tire, l’une de
la Syrie, et l’autre du nord de la Perse. Les chevaux,-les mulets
et les ânes sont aussi beaux, aussi bons, aussi forts que ceux de
Smyrne et de Constantinople.
Nous ne restâmes qu’un jour à Kutayéh ; nous changeâmes de
chevaux et de conducteurs , et nous partîmes le 12. La plaine se
prolonge à plus d’une lieue. On trouve ensuite diverses collines,
les unes calcaires , crétacées ; les autres quartzeuses : il y a sur
celles-ci du beau jaspe sanguin, et on1 voit sur celles qui sont crétacées,
beaucoup de silex ou pierres à fusil. Au nord se présentent
des montagnes couvertes de bois. La morine (morina p ersica ) est
fort commune dans cette contrée, ainsi que le poirier à feuilles
cotoneuses.
Nous fîmes ce jour-là huit lieues en nous dirigeant un peu plus
au nord que les jours précédens. Nous passâmes la nuit à Caza-
Ihafoub.
Ce village ne ressemble point à ceux qui s’étaient trouvés jusqu’alors
sur notre route. Au lieu d’être bâti en terre comme les
autres, et avoir les maisons contiguës et couvertes en chaume, en
roseaux ou en joncs, il les a toutes isolées et entièrement construites
en bois de pin. Les murs sont formés de poutres qu’on ne
s’est pas même donné la peine d’équarrir ni d’écorcer ; elles sont
placées les unes sur les autres, et fixées à leurs extrémités par une
entaille et une forte cheville de bois de chêne. On met ordinairement
entre chaque poutre , pour boucher tous les vides-, de la terre
et des pierres liées ensemble ; mais on néglige assez souvent de
prendre cette précaution. Le toit est en planches : une poutre