ao8 v o y a g e e n p e r s e .
massacrer tous les Afghans qui, par leur crédit et leurs richesses,
pouvaient lui faire ombrage ; il n’épargna pas non plus les Persans
qui avaient conservé leur fortune ; il se défit, en un mot, de tous
ceux qu’il craignait ou dont il convoitait les richesses.
Mais, plus réfléchi, plus dissimulé que Mahmoud, il votilut donner
à ces assassinats un vernis de justice. Selon lu i, tous les Afghans
qu’il faisait périr étaient entrés dans la conjuration qui avait fait
déposer son prédécesseur. Les Persans étaient en correspondance
avec Chah-Tahmas ; ils étaient cause que ce prince s’était méfié de
lu i, et n’avait pas voulu se trouver à l’entrevue qu’il lui avait fait
demander, et où il avait projeté de le faire mourir.
Plus occupé à se maintenir sur le trône, qu’à réparer les maux
que la guerre avait faits , tantôt il ordonnait qu’on ravageât une
province dont il redoutait les habitans, tantôt il lès forçait d’abandonner
les villes trop populeuses, tantôt il les faisait périr sous
prétexte de conspiration. Sous son règne, les Persans furent aussi
opprimés, aussi exposés à perdre leur vie ou leur fortune, que sous
celui de Mahmoud : les villes continuèrent à se dépeupler ; les
champs restèrent incultes ; les canaux d arrosement furent négligés
, et la plupart obstrués 3 le commerce languit ; les arts furent
détruits en partie. La Perse, en un mot, souffrit au point qu’il eût
fallu plus d’un siècle de paix et de tranquillité pour réparer tous
les maux que ces deux usurpateurs y occasionnèrent pendant le
court espace de tems qu’ils occupèrent le trône.
Les Russes, sous Écheref, ne firent pas des progrès ; ils songèrent
seulement à s ’affermir sur les rives de la Caspienne; mais les Turcs,
dui 'avaient pris, .sous Mahmoud, Kennanchah, Amadan, et qui
s’étaient emparés de la Geofgie, d Érivan, de Nacsivan et de K h o ï,
gg rendirent maîtres en peu de -teins de Tauris, d Ardebil, d Urmia,
et même de Sultanie.
Tabmas s’adresse une seconde fois à ces ennemis du nom persan ;
il propose de leur abandonneras provinces dont ils se sont emparés
, s’ils veulent l’aider à chasser les Afghans du reste de ses Etats.
Les T u r c s , pour s’assurer la possession de leurs cdnquêtes, consentent
enfin à envoyer des forces considérables contre des Afghans.
Écheref
Écheref se décide alors à faire trancher la tête à Hussein, qu’il
tenait enfermé ; après quoi il marche à l’ennemi, et le bat à Chehr-
kerd. Les Turcs font la paix avec Écheref en octobre 1727, et conservent
toutes les provinces dont ils s’étaient emparés.
Réfugié dans le Mazanderan , la seule province qui lui reste,
Chah-Tahmas, aussi incapable de régner que son père, aussi faible,
aussi timide , aussi borné que lu i , sans amis généreux pour le
guider, sans forces, sans argent, sans crédit pour lui attirer l ’estime
et la considération des peuples, comment peut-il espérer de
remonter sur le trône? comment viendra-t-il à bout de chasser les
Afghans, de battre les Turcs et les Russes, et de soumettre toutes
les provinces_révoltées?
Ce prodige eut pourtant lieu : ce n’est pas lui qui l ’opéra; il se
fit en son nom ; et s’il n’en a presque pas profité, c’est moins à
l ’ambition de celui qui- se mit à sa place qu’il dut s’en prendre ,
qu’à son peu d’énergie, à son peu de courage, et à cette suite d’imprudences
qui le firent juger aussi défavorablement que son père.
Les révolutions enfantent de grands-hommes : c’est dans les
troubles civils, dans les agitations intestines, au milieu des camps,
que paraissent ces mortels privilégiés , dont les fortes conceptions,
hors de; la portée du commun des hommes, surmontent
tous les obstacles- qu’on leur oppose, et dont les succès étonnent
ceux qui ne peuvent appercevoïr les ressorts que le génie met
en jeu.
Nadir-Kouli-Beg fht un de ces mortels que rien m'arrête dans
leur marche tant qu’ils suivent le sentier de l ’équité. Il naquit l’an
1100 de l’hégire (1688), à Abiverdi, situé à vingt parasangés ou
vingt-cinq lieues ordinaires au nord de Mescheà; il était un des
principaux seigneurs de la tribu de Kirklou , une des plus considérables
des Afchars, race de Turcomams.
Ayant embrassé de bonne heure le métier des armes,. il fit d’abord
la guerre à ses voisins pour la possession d’un ch â te a u p o u r le
gouvernement d’un district, pour le revenu de qu elques villes.
Tantôt b a ttu , tantôt vainqueur , mais toujours supérieur à sa
fortune, toujours fécond en expédiens , toujours à la tête d’une
Tome III. y) d