Les marchands purent ouvrir leurs boutiques, et les, ouvriers se
livrer au travail sans plüa rien craindre. ;
Ali-Merdan ne se:vit pas plutôt maître de la capitale, qu’il
assembla dans son palais tous les seigneurs,. tous les hommes cons-i
titués en dignité, tous les chefs de tribus qui se trouvaient à portée
de la ville ; il Se rendit en grande pompe au milieu d’eux, et leur
parla des malheurs de l ’É ta t , suite inévitable de l’anarchie qui
régnait depuis la mort de Nadir,, depuis surtout qu’Adel et Ibraliim
avaient allumé les,torches de la guerre civile, iLe tableau qu’il en
ÛK, jie pouvait manquer de produire, un grand effet sur ceux qui
desiraient sincèrement le bonheur de leur patrie,
i Le Kandahar , séparé de l’Empire et érigé en royaume par les
Afghans, donnait à toutes les provinces un exemple d’autant plus
dangereux , qu’il était séduisant et d’une facile exécution. Ces A fghans
, ayant leur nouveau roi 4Jeur tê te, s’étaient rendus maîtres
du Ségestan ; ils attaquaient H é ra t, et menaçaient de s’avancer
jusqu’à l’Oxus et la Caspienne. Le Khorassan était le foyer de toutes
les intrigues, et le théâtre des plus affreux désordres. Le gouverneur
d’Aster-Abad était en rébellion; il s’était emparé du Mazanderan,
du Tabéristan, et.il se disposait à porter la guerre parmi tous ses
voisins. Le prince de Géorgie avait pris les armes et avait pénétré
dans le, Chyrvan , dans É rivan , dans Nacsivan , et avait même
traversé l ’A raxe pour entrer dans l’Aderbidjan. Les Lezguis, toujours
avides de pillag e , occupaient et ravageaient le Daghestan,
le Tabesseran, le Haut-Chyrvan. Une troupe de brigands, leurs
alliés, portait la désolation, l ’épouvante et la mort dans Urmia ;
dans Tauris., dans Ardebil. Le Guilan, en proie à diverses factions,
Voyait s’élever des chefs dont l’existence était éphémère, et dont
la chute n’avait lieu qu’à travers des cadavres et des ruines. Les
Arabes s’étaient rendus indépendan s à l ’embouchure du Schat-el-
Arab.'et dans tout leKennesir. Le Laarestan, depuis Taron jusqu’à
Gomron,, était soumis:à un gouverneur qui s’y était placé de vive
force à la jnort de Nadir, et,s’y était maintenu malgré les efforts
qu’A d e l, Ibrahim e t Charokli avaient faits fo u r l’en chasser. Le
Rerman était de même gouverné par un rebelle qui s’enétait emparé
les
les armes à la main. Dans l ’intérieur, Sultanie , Casbin, Téhéran ,
Korn , Cachan, Y e sd , Chiras , Néhavend, Amadan, Kermanchah ;
en un m o t, toutes les villes, tous les districts, étaient en rébellion,
Ou n’obéissaient qu’à des chefs toujours prêts à soulever les habitans
et à les armer les uns contre les autres.
Dans cet état déplorable , A li - Merdan ne voyait d’autre parti
à prendre, Charokh étant aveugle, et Suleyman ayant été tué ,
que de placer sur le trône un petit-fils de Chah-Hussein ; il ajouta
qu’il avait réuni en divan les grands de l’Empire pour reconnaître
les droits d’Ismaël, et lui nommer un régent jusqu’à ce
qu’il fût en âge de gouverner. Ceux-ci n’avaient rien à objecter
à un homme qui tenait leur destinée dans ses mains. Qui d’entre
eux aurait osé contredire celui q u i, d’un mot, d’un signe, pou-
vàit leur arracher la vie , leur ravir la liberté ou les plonger dans
la plus affreuse misère ?
Tous les seigneurs, toutes les personnes qui.se trouvaient dans
l'asseinblée, non-seulement applaudirent aux propositions d’Ali-
Merdan 1 mais plusieurs d’entre eux élevèrent la voix pour offrir
la couronne à celui, disaient-ils , qui la méritait à tant de titres ,
qui joignait la modération de ne vouloir se placer qu’au second
rang lorsque la victoire lui avait assigné le premier.
Ali-Merdan était trop clairvoyant pour ne pas juger que , dans
lès circonstances présentes, le moyen le plus sûr et le plus prompt
d’arriver à; la première place et de s'y maintenir , efetait-par l'intermède
d’un enfant dont les droits seraient reconnus légitimes. Il
rejeta donc l’offre qui lui était faite , en disant qu’on ne parviendrait
à déjouer toutes les prétentions , et à ramener la paix et la
tranquillité dans tous les points de l’Empire , qu’en plaçant sur le
trône celui que la naissance y appelait.
Tonte l’assemblée applaudit à cet avis : Ismaël fut unanimement
proclamé r o i , et la régence conférée à Ali-Merdan.
■ Pendan4plus d’un an Ispahan et tout le midi de la Perse jouirent
de la plus grande tranquillité. Presque tous les khans se soumirent,
et reconnurent solennellement la légitimité des droits d’Ismaël. Les
Arabes promirent de payer le tribut aqquel ils sont soumis. Le
Tome IJT O o