pris l ’habitude de faire sa prière dans celle-ci, d’y fumer le narguil,
et de s’y livrer pendant quelques heures à l’examen des papiers
qu’on lui avait remis la veille. Personne autre que le premier ministre
et les généraux ne pouvait espérer de lui parler dans cette
tente, et il n’avait ordinairement qu’un ou deux officiers autour de
lui pour le servir : ce jour-là'il ne s’y en trouva qu’un seul; il se
nommait Pitch-Hesmet. Après la prière, et au moment que le rot
tenait des deux mains le narguil que l ’officier venait de lui présenter,
celui-ci lui porta dans la poitrine deux coups de poignard
qui le firent expirer à l’instant sans pousser aucun cri.
Le motif qui a v a it, dit-on engagé cet officier à commettre un
crime pareil, fut que son frère , l ’année d’auparavant, avait péri
d’une mort cruelle par ordre du roi (i) , quoiqu’il fut depuis long-
tems à son service , qu’il lui eût donné les preuves les plus certaines
de dévoûment, et qu’il n’eût commis aucune faute un peu grave :
l’ordre avait été donné dans un moment de mauvaise humeur, et
révoqué trop tard. Ce fait était vrai ; mais il est bien certain que
Pitch-Hesmet n’aurait pas songé à tirer vengeance de ce supplice ;
il n’aurait pas eu l ’idée de sacrifier le roi aux mânes de son frère
s’il n’avait été sûr d’échapper à la mort.
On eut bientôt la certitude que la main de ce scélérat avait été
dirigée par un homme puissant, qui crut par-là se frayer un chemin
au trône. Sadek-Khan, de la tribu Chakaki, un des généraux de
l ’armée , avait promis à Pitch-Hesmet de favoriser son. évasion ; il
lui avait même fait espérer une forte récompense s’il réussissait dans
son entreprise. Sadek-Khan , en sa qualité de général , entrait
librement dans la tente du roi. Dès qu’il fut instruit de sa mort,
il s’y rendit avec quelques personnes qui lui étaient dévouées ; il
s’empara du trésor, et sortit quelque tems après, en faisant paraître
un firman muni du sceau r o y a l, portant l ’ordre à lui Sadek de
partir sur-le-champ , pour une opération, avec le corps qu’il commandait,
consistant en dix mille hommes.
On ignorait, dans le camp, la mort du roi. Sadek-Khan sortît
(iJ.Oubn. avait ouvvrt le ventre et arraché lea entraillea.
donc sans obstacle , emportant avec lu i, non-seulement la caisse'
militaire et les riches et nombreux diamans de Méhémet, mais
même une partie des vivres. Son objet, en s’éloignant, était d’éviter
le premier mouvement de l’armée et le ressentiment qiie pouvait
fairenaître , dans le coeur du sôldat, l’idéëd’un assassinat. Ilsavait
bien que tous les méccmteiis viendraient se joindre à lui ; il espérait
d’ailleurs que cette armée , sans vivre s, sans argent et sans chef,
se dissoudrait bientôt. C’est ce qui arriva peu de jours après. Il se
forma plusieurs partis, dont quelques-uns furent j oindre Sadek-
Khan. Le peu de personnes attachées au ro i, ou qui craignaient
d’être sacrifiées à l ’ambition de son meurtrier, retournèrent à
Téhéran sous la conduite de Hadgi-Ibrahim, premier ministre. Les
autres se rendirent dans leur tribu pour tâcher d’y jouer un rôle ou
s’y mettre à l’abri des persécutions.
Lorsque nous quittâmes Constantinople, en mai 1798;, ôn Comptait
quatre principaux prétendans qui allaient de nouveau déchirer
ce malheureux Empire. C’étaient, i°. Baba-Khan, fils de Hussein-
K h an , frère- aîné d’Aga-Méhémet-Khan. Il était, comme nous
l’avons d it, gouverneur de Chiras.' A la première nouvelle de la
mort de son oncle, il avait volé à Téhéran, et s’y était fait reconnaître
régent ; il avait laissé à Chiras son frère Couchûuk-Khan,
avec dix ou douze mille hommes pour contenir le midi.
20. Ala-Kouli-Khan, frère de Méhémet. Il avait cherché à se
faire nn parti à Téhéran, à Ispahan et dans le Mazanderan.
3°. Sadek-Khan. Il se rendit à Tauris en quittant l’armée, et se
trouva bientôt maître de tout l’Aderbidjan.
4°- Enfin Mohammed-Khan , fils de Zéki-Khan, le même qui
avait abandonné Lutf-Ali-Khan au moment où il venait de battre
Méhémet. Il avait levé quelques troupes dans le Loristan et parmi
les Arabes, et avait marché sur Chiras; il avait d’abord obtenu
quelques avantages sur Couchouk, mais il ne put s’emparer de la
ville. H " ' §Ï§W« S
Parmi ces quatre prétendans , celui, qui était le pins digne du
trône, celui que le voeu du peuple y appelait, fu t , heureusement
pour la Perse, celui qui eut d’abord le plus de troupes, et qui
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