inspirer à 1 armée un enthousiasme qui décuplait ses forces, avoir
pour principe de soulager les pauvres , d’alléger leur fardeau, de
faire supporter aux riches, aux opulens, les charges de l ’État,
c’était à leurs yeux un crime capital. Presque tous d’ailleurs avaient
des prétentions au trône : il était donc bien important pour eux que
Djafïar expirât avant le retour de L u tf-A li, sauf à se défaire de
celui-ci lorsqu’il en serait tems.
Assemblés le même jour pour élire un chef, ils ne purent s’entendre,
ils se séparèrent sans avoir fait un choix. Ils en seraient
peut-etre venus aux mains si Seyd-Murad n’eût pris depuis long-
tems ses précautions, s’il ne se fût mis, au sortir de rassemblée, à
la tete d un corps de troupes, et n ’eût forcé en quelque sorte la
plupart de ses co-associes à se déclarer en sa faveur.
C était un neveu d Ali-Murad et de Djafïar ;. c’était lui que Scheik-
Veis était venu joindre à Kom en 1781. Il fut pendant trois ans,
sous le règne de son oncle, gouverneur de Chiras et de tout le Far-
sistan. Lorsque, peu après la mort d’Aii-Murad, Djafïar vint à
Chiras avec les débris de son armée, Seyd-Murad fut un moment
sur le point de lui yefuser l ’entrée de la ville, et il ne se décida à,
l ’y laisser entrer que lorsqu’il apprit que Scheik-Veis était prisonnier
et hors d état de régner. Djafïar avait dissimulé son ressentiment
; il avait meme tôuj ours traité avec distinction ce neveu, mais
il avait fin i, sous prétexte de conspiration', par le faire arrêter le
*3 avril 1787-, et le faire conduire dans les prisons du palais.
Lorsque Lutf-Ali apprit la mort de son pè.re, et la conjuration
à laquelle tous, les prisonniers d’État et la plupart des grands de la
ville.avaient pris part, il ne se crut pas, en sûreté au milieu de son
armée j il craignit que l ’esprit d’insubordination et de révolte ne s’y
manifestât : on lu i marquait de se tenir sur ses gardes; on l ’assurait
que la plupart des chefs qu’on me lui désignait pas , étaient
gagnnas, e t .«’étaient engagés à le faire périr-, Gés avis étaient fondés,
mais est-il certain qu’on eût pu attenter h ses jours alors qu’il était
i«stcwt .deue qui se tramait ? Est-il certain qu’il ne pût xeeonnaîfre
les coupables, et les punir ou lès éloigner du moins de l ’armée? Quoi
q u il en. « » V il,p a r t it secrètement avec Mnltammed-lChan, fils de
Zéki-Khan , Mirza-Seyd- Mohammed son conseiller , quelques
esclaves et quelques cavaliers ; et il v u ita Abouchir, chez le sclieik
arabe Nassir, qui l ’accueillit, et lui promit de l ’aider de tous ses
moyens pour rentrer à Chiras, ét punir les assassins de son père.
Dès qu’on le sut à Abouchir, quelques seigneurs et un grand
nombre de gens de guerre vinrent le trouver et lui offrir leurs services.
Iï eut bientôt, par ce moyen, cinq ou six mille hommes prêts
à tout entreprendre. Schéik-Nassîr lui fournit deux mille cavaliers
arabes et l’argent nécessaire à l ’entretien de cette faible armée.
Lutf-Ali, qui comptait bien pins sur la bravoure et la fidélité des
troupes, que sur leur nombre, ne balança pas à marcher sur Chiras.
Il y entra le 6 mai 1789, sans que les conjurés pussent s’y
opposer; car le peuple et presque tous les militaires qui s’y trouvaient,
se déclarèrent ouvertement pour lui. Seyd-Murad et tous
ceux q u i , comme lu i , avaient participé au meurtre de Djafïar ;
furent arrêtés et punis de mort. On se conténta de crever les yeux
aux moins coupables , et de bâtonner les agens qu ils avaient
employés.
Au x premières nouvelles des préparatifs que Lutf-Ali faisait à
Abouchir, Seyd-Murad, qui ne se croyait pas en état de résister
à un adversaire aussi redoutable, S’était décidé à appeler à son
secours Aga-Méhémet-Khan ; il lui avait envoyé plusieurs couriers,
au nom des principaux habitans de Chiras, pour l’engager à venir
s’emparer de la ville, et Soumettre tout le midi de la Perse avant
que Lutf-Ali pût avoir une armée.
Méhémet ne se' trouva prêt qu’au milieu de mâi : il partit de
Téhéran à la tête de cinquante mille hommes, et arriva vers la fin
de juin aux environs de Chiras ; il avait avec lui ses frères Djafïar-
Kouli et Ala-Kouli. Moustapha était aveugle depuis un an : Mé-
hémêt avait toujours différé de lui donner le gouvernement d’Is*
pahan ; il s’était même décidé , en l ’absence de Djafï’ar-Kôuli et
d’A la -K ou li, à lui faire crever les yeux. Ce fut à peu près dansTe
même tems que Riza-Kouli, que nous avons dit avoir été enfermé
dans une citadelle du Mazanderan, trouva le moyen d’en sortir;
-et de se rendre dans le Tour an.