hauteur est de plus de six cents toises ( i ) , n’est formée, depuis le
monument de Kermanchah jusqu’à celui de Sheher-Nou, c ’est-à-
dire , dans un espace d’environ dix-huit milles, que d’une roche
calcaire très-dure, presque coupée à pic.
On ne sait à quoi attribuer un déchirement aussi considérable :
On ne voit sur la montagne aucun indice de volcan ; rien ne paraît
bouleversé sur le terrain qui se trouve au dessous ; les montagnes
même qui sont parallèles à celle-ci, quoique formées de la même
roche, ont néanmoins une pente fort douce.
A une lieue de Kermanchah nous passons, sur un pont à six
arches, la petite rivière de Cara-Sou, laissant à quelque distance,
à droite , le village de Pulischah , bâti sur la -même rivière. Nous
marchons quelque tems encore en plaine ; nous nous trouvons
ensuite sur un terrain inégal, ayant toujours le mont Bissoutoun
à notre gauche, et d’autres montagnes calcaires moins élevées à
notre droite. Nous entrons dans une vallée arrosée , qui bientôt
s’élargit e t 's ’étend au sud, et nous venons descendre, après sept
heures de marche, au caravanserai de Shehe r-Nou , que nous
trouvons presque tout occupé par une caravane qui venait d’A -
madan.
Le village de Sheher-Nou, bâti autrefois près du caravanserai,
et dont Pietro délia Valle, Other et quelques autres voyageurs ont
p a r lé , n’existe plus aujourd’hui : à peine même en découvre-t-on.
quelques traces.
Le caravanserai est bâti sur la rive occidentale d’un large ruisseau
qui prend sa source au pied de la montagne, distante seulement de
trois ou quatre cents pas. Il est très-vaste, et l’un des plus beaux de
la Perse,
Ces sortes de bâtimens sont, après les mosquées principales et les
palais des rois, les plus beaux édifices que nous ayions vus dans ce
f 1 ) Un auteur persan, Sahih-Nuzhat, rapporte qu’ayant eu ordre de prendre la
hauteur'de Bissoutoun , il la mesura en six cents dix endroits différens, et qu i£
trouva qu’elle avait quatre mille huit coudées de hauteur. Other, voyez tom. I ,
pag. 106.
pays. Il y en a sur toutes les routes et dans toutes les villes : ce'
sont les seules auberges de la Perse, les seuls endroits où l ’étranger
puisse espérer de loger.
Leur nombre, dans les villes, est toujours proportionné au commerce
qui s’y fa it, ou à la quantité de marchandises qui y doivent
passer. On les a placés sur toutes les routes fréquentées, à la distance
de cinq, six, sept ou huit lieues les uns des autres, et on a
choisi, autant qu’il a été possible, les endroits les plus à la portée
de la bonne eau.
Comme il n’y a aucun meuble dans ces sortes d’auberges, le voyageur
est obligé de porter avec lui son tapis, son lit, et tout ce qui
lui est.nécessàire pour faire sa cuisine. Il trouve, avec de l’argent,
pour ses chevaux , de la paille et de l’orge, et assez ordinairement
pour lu i , du pain , du laitag e, des fruits, du r iz , et même de la
viande.
Les caravanserais ont tous à peu près la même forme : ils sont
bâtis en carré autour d’une vaste cour, et n’ont ordinairement
qu’un étage dans les campagnes, et rarement deux dans les villes.
On y entre par une grande et belle porte qui ferme bien, et dont
la garde est confiée à une personne qui est responsable de tous les
vo ls de marchandises, de chevaux et de bêtes de somme qui pourraient
se commettre dans l ’intérieur.
Les chambres que l ’on donne gratuitement et sans réserve au
premier venu, sont à la partie intérieure du bâtiment ; elles ont de
douze à quinze pieds en carré : on y parvient par une estrade ou
terrasse large de sept ou huit pieds , haute de trois ou quatre , sur
laquelle ori monte par deux ou par quatre escaliers.
Les écuries sont placées derrière les chambres, c’est-à-dire à la
partie extérieure du bâtiment; elles sont éclairées par de très-petites
fenêtres fort hautes, tandis que les chambres ne le sont ordinairement
que par leur porte-d’entrée.
Les voyageurs font faire leur cuisine sur l’estrade, et s’y placent
eux-mêmes, à moins que le tems ne soit très-mauvais. Ils y passent
la nuit dans la belle saison, ou vont coucher, s’ils le préfèrent, sur
la terrasse qui termine tout le bâtiment.