Lorsqu’il est question de camper, le scheik enfonce en terre un
drapeau, et chacun se dispose à descendre et à dresser sa tente,
on observant de se placer circulairement autour du drapeau, et
toujours dans le même ordre. Les balles de marchandises ,-qui
pèsent chacune trois cents et quelques livres, sont mises les unes
sur les autres, et arrangées de manière à former un rempart de
quatre ou cinq pieds de haut. Les tentes sont placées en dedans
près des balles. On envoie les chameaux aux pâturages dès que les
tentes sont dressées , et on les fait accompagner par un certain
nombre de valets et par quelques fusiliers. La n u it , on les fait
entrer dans.l’intérieur du camp.
Toutes les tentes sont abattues au coucher du soleil, et personne
n ’a de lumière la nuit.
A u jo u r , tous les chefs sont sur pied ; les valets soignent les
chameaux et les chargent. Au soleil levant, l ’ordre de partir est
donné : chacun défile sans trop se mêler et sans trop s’écarter. Les
cavaliérs seuls peuvent marcher en avant comme ils le jugent' à
propos ; le plus, ordinairement ils vont tous ensemble, et quand
ils ont fait deux ou trois lieues ils mettent piedà terre pour attendre
la caravane, déjeûner, ou se donner simplement le plaisir de fumer
une pipe, et prendre leur café, qu’ils apprêtent sur-le-champ au
moyen de quelques débris de plantes ou d’arbustes qu’ils entassent,
et auxquels ils mettent le feu.
. Lorsque la caravane n’est plus qu’à quelques pas, les cavaliers
.remontent à cheval, et prennent encore les devans jusqu’à ce qu’ils
soient arrivés au lieu où l ’on doit camper. Pour cela on choisit,
autant qu’on le peut, un endroit où d’autres caravanes ont campé
auparavant : cette précaution est nécessaire, parce qu’on y trouve
les crottins de chameaux dont on a besoin pour faire du feu et p réparer
les alimens. C’est surtout pour cuire lé pain , qu’on se sert
de crottins de chameaux : on en fait un petit tas, et on y met le feu.
Pendant qu’ils brûlent et se réduisent en cendres, on pétrit, dans
un plat de bois fait exprès, un peu de farine ; on écarte la cendre,
on place la pâte sur le sol, et on 1a couvre bien j elle se cuit sans
se brûler. Le pain qui en résulte, est assez mauvais, mais les Arabes
s’en contentent. Les yvoyageurs portent ordinairement du biscuit
avec eux.
On a , dans le désert, une autre manière de faire le pain ; c’est de
bien chauffer une plaque de cuivre, et d’y placer la pâte par-dessus
; la plaque elle-même est posée sur les cendres chaudes, pour
entretenir quelque teins la chaleur, et donner, le tems à la pâte de
se cuire.
■ Les Arabes ne font guère de feu que pour rôtir et faire leur café*,
et cuire leur pain. Ces deux opérations se répètent tous les jours,
parce que le pain de la veille est encore plus mauvais que lorsqu’il
est frâis, et que le café rôti, pilé et fait de suite, est beaucoup plus
parfumé que lorsqu’il est conservé après avoir été rôti. Ils sont encore
plus'attentifs à ne piler leur café que lorsqu’ils veulent le fa ire,
parce q u e , pilé .ou moulu, il perd encore plus promptement son
parfum. Ils préfèrent aussi avec ràison le café pilé et réduit en
poussière impalpable , à celui qui est moulu.
Quant aux autres alimens, nous ne leur avons guère vu manger
que des dattes et du mauvais fromage renfermé dans des outres
faites de peau d’agneau.
. Tandis que la caravane était occupée à transporter les chameaux
et les marchandises de l’un à l’autre bord du fleuve, les chefs, attentifs
à ce qui se passait autour d’e lle, avaient envoyé deux d’entre
eux auprès d’une horde fort nombreuse qui Se trouvait à l’occident
d’An ah, afin de traiter avec elle, et obtenir qu’elle nous laissât
tranquillement passer 'sur ses terres , et nous fournît même, si elle
le jugeait à propos, mie escorte jusqu’à la horde la plus voisine;
L ’hivèr cette précaution est inutile, parce que lés tribus un peu
nombreuses s’enfoncent dans le désert à la fin de l ’é té , et s’avancent
.peu à peu. vers les régions un peu plus chaudes , un peu plus
élevées, où elles ont quelques cultures, et où elles, trouvent des
pâturages, plus abondans (i). Elles ne reviennent sur le bord dé
■ ( i ) Il faut en excepter celles qui sont le long du Scbat-el-Arab .et le long-de l’I’.u-
phrate, au dessous de Hellë , qui ont quelques cultures sur les bords de ces' fleuves,
et qui n’envpient dans l’intérieur des terres qu’une partie de leurs troupeaux. Ì -
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