la salle; et en effet, à l’instant chacun se leva et gagna la porte. Le
ministre fut s’asseoir sur le divan, dans un des angles de la salle.
Notre drogman, précédé d’un officier, se présenta aussitôt à 1 ou-
verture dont nous avons parlé, et lui dit que les Français qui étaient
là , attendaient le moment où il leur permettrait de le saluer. L ordre
fut donné de nous'introduire.
En entrant dans la salle, nous saluâmes le ministre en inclinant
la tête , et portant notre main droite sur le coeur. Il inclina lu
sienne, et nous fit signe de nous asseoir, en nous disant : Soyez
les bien venus. Après avoir répondu à cette honnêteté, nous présentâmes
la lettre que M. Verninac, envoyé de la Republique a
Constantinople, lui adressait : la traduction y était jointe. Il la lut
avec beaucoup d’attention, et nous répéta une seconde fois : Soyez
les bien venus. Nous lui remîmes alors la lettre du pacha de Bagdad,
dans laquelle il était dit qu’il nous recommandait à son excellence,
conformément aux ordres exprès qu’il avait reçus du grand-visir.
L e ministre la lut et la remît, ainsi que la traduction de la première,
à son secrétaire; mais il garda l’original qu’il mit dans son
sein. On lui présenta après cela divers papiers, et il-répondit succinctement
à plusieurs personnes qui lui adressèrent successivement
la parole.
Cependant on nous offrît à fumer le narguïl ; ce que nous acceptâmes
par honnêteté. Nous restâmes encore quelques minutes dans;
la salle, après quoi nous jugeâmes à propos de nous retirer, parce-
qu’il nous parut inconvenant d’entamer une conversation serieuse
flans le lieu où nous étions, puisqu’on ne pouvait rien dire sans-
être entendu de toutes les personnes qui se trouvaient dans la sâlle-
et dans. le jardin. Avant de nous retirer,, noùs fîmes demander au
ministre une audience particulière , qui nous fut accordée pour-
le lendemain au soleil levant. ï
Pendant que nous étions dans la salle, nous étions l’objet de la
curiosité de tous ceux qui étaient au dehors ; les uns disaient : ce
sont des Russes; les autres : cè sont des Franguis ou Européens;
et les officiers qui nous connaissaient ou qui croyaient nous con-
naître , répondaient : ee sont des beysadés/rançons, des seigneurs
français'. Tout cela se passait à voix basse, mais pourtant pas assez
pour que nous ne pussions très-bien entendre.
Le lendemain* nous fûmes chez le ministre au lever du soleil : il
nous attendait dans une salle privée ; il y était seul ; mais au dehors
de la salle qui donnait sur un troisième jardin, il y avait trois des
officiers de la veille, Bevant lesquels nous eûmes'bientôt reconnu
qu’on pouvait s’expliquer. Après les saluts ordinaires et nous être
assis à un pas de distance de lu i, nous lui dîmes que, pendant que
nous parcourions les différentes provinces de l’Empire othoman,
notre gouvernement, instruit des succès de Méhémet, nous avait
envoyés auprès de ses ministres pour différens objets que nous lui
détaillâmes y et qu’il écouta avec la plus sérieuse attention.
I Nous lui avons rappelé les deux traités faits entre la France et
la Perse, dont le dernier fut signé à Paris par un ambassadeur
persan. Nous nous sommes un peu étendus sur les avantages réciproques
que les deux Etats en auraient retirés sans les guerres qui
leur étaient survenues.
Nous avons ensuite parlé des Turcs , ainsi qu’il nous était expressément
recommandé. Le ministre répondit, selon nos désirs, à tout
ce que nous lui proposâmes. A l ’égard des Turcs, il noüs dit des
choses très-sensées, et qui annonçaient beaucoup de connaissances u
il parut fâché qu’ils se fussent déterminés à faire la paix avec les
Russes, et à consentir par-là à la perte dè la Crimée.
Il nous informa que Méhémet se proposait de marcher au prin-
tems contre les Russes avec toutes ses forces. Vous savez, a-t-il: d it,
qu’ils nous ont attaqués lés premiers, et qu’ils se sont déjà emparés
de Derbent et de Bakou.
Nous avons cru devoir parler alors du traité fait en 1783 entre le
prince Héraclius et l ’impératrice de Russie ; nous le connaissons,
a-t-il dit. Nous aurions voulu lui témoigner notre surprise de ce que
le roi, après avoir pris la Géorgie, Pavait évacuée]aussitôt ; mais-
cette observation pouvait paraître dure; nous nous sommes bornés-
à parler des avantages que le roi aurait pu retirer en faisant de cet
État une province de la Perse. Nous avons ajouté que s i, d’accord,
avec les T urcs, Méhémet avait pu se procurer quelques ports sur