: Nous ne pouvons pas quitter Cadran sans dire un mot des scorpions
, dont tous les voyageurs ont parlé, et qu’ils ont* dit être très-
communs et très-dangereux dans cette ville : il y a en èffét beaucoup
de scorpions dans toute la Perse, et la coutume qu’ont les
Orientaux d’habiter de préférence le rez de chaussée, de s’asseoir
et de se coucher par te rre, fait qu’ils sont exposés à être piqués
par cet insecte qui se trouve fréquemment dans les maisons, si par
inadvertance ils le pressent de la main ou de toute autre partie du
corps; mais d’après tout ce que nous avons recueilli et ce que nous
avons pu observer, nous sommes persuadés que cet insecte n’est
pas plus commun à Cachan, qu’il ne l’est à Ispahan, à Kom , à
Téhéran , et que sa piqûre , presque toujours suivie d’une légère
inflammation , n’a jamais rien de dangereux pour la vie , même
pendant les plus fortes chaleurs de l’été , si on applique les topiques
convenables , tels que la thériaqüe , l ’huile d’olive , l’alcali vola.nl
fluor. Nous avons , dans le désert de l’A rabie , avec ce dernier
remède, fait cesser presque subitement l ’inflammation occasionnée
par la piqûre du même scorpion, qui s’était introduit dans le lit
d’un jeune homme de Bagdad que nous avions avec nous ; il avait
été piqué , en se couchant, à la partie extérieure de la cuisse.
A Bagdad, où ce même scorpion est plus commun qu en Perse,
et où les chaleurs sont beaucoup plus fortes, il n’arrive jamais d’ac-
cidens très-fâcheux : on s’en préserve en couchant sur des lits élevés
de plus d’un pied , qu’on place chaque nuit d’étésur les terrasses;
ils sont faits avec le bois que fournit la feuille du dattier.
• Si tous les obntes qui circulent parmi le peuple de Cachan avaient
le moindre fondement, depuis long-tems on aurait déserté la ville,
ou l’on aurait adopté une autre manière de vivre : on ne resterait
pas exposé à la piqûre d’un insecte aussi venimeux et aussi commun
qu’on pourrait le supposer d’après ces contes.
Ce scorpion (pl . 4? , /%'. 2) est de couleur brune ; mais ses pattes
et’ ses pinces sont quelquefois d’un jaune-brun : celles-ci (a a ) ont
leur premier article court et tuberculé; le second est long et a six
lignes élevées, dentelées ; le troisième est plus renflé et a huit lignes
dentelées. Les deux lignes internes ont vers la base une dent plus
saillante,
saillante, plus pointue que les autres. Le quatrième article est peu
renflé, presque lisse; le cinquième est-long, et armé intérieurement
de dentelures et de quelques petites dents assez distantes. Les
mandibules sont fortement dentées. La longueur de cet insecte, de
la tete à 1 extremite de la queue, est de trois pouces.
On remarque, outre les deux grands yeux ( c c ) qui sont sur le
dos, trois petits yeux disposés en ligne droite sur le bord latéral
antérieur (dd). Les peignes (e) ont chacune vingt-six dents. Chaque
anneau de 1 abdomen en dessus est marqué de trois lignes longitudinales,
elevées. La qùeue est plus grosse dans ce scorpion,
que dans tous ceux que l’on a connus jusqu’à présent. Les quatre
premières pièces vont un peu en grossissant ; la cinquième est la
plus longue, mais elle est un peu plus étroite, surtout vers l’extrémité
; la sixième est beaucoup plus petite, à peine tuberculée :
1 aiguillon est fort et bien arque. Le dessus de la queue est profondément
creuse en gouttière : la première pièce a dix lignes saillantes,
dentelées; la seconde, la troisième et la quatrième en ont
huit, et la cinquième n’en a que cinq.
J ai trouve ce scorpion en Perse, à Bagdad, en Mésopotamie, en
Arabie et en Égypte (1).
Le 22, nous fûmes pendant plus de quatre heures en plaine ; nous
montâmes ensuite la montagne que nous avions depuis quelque
tems à d roite, et nous nous reposâmes, après neuf heures et demie
de marche, au village de Korou, situé dans un vallon très-agréable.
Ce village n est pas bien grand : nous y vîmes fort peu de maisons
détruites. Les alentours étaient ombragés de noyers, de pommiers
et de toutes sortes d’arbres fruitiers ; il y avait quelques vignobles
et beaucoup de jardins.
Nous remarquâmes à deux lieues en deçà de K o ro u , dans un
étranglement du vallon, un mur très-épais, qui retenait les eaux
et y formait un petit lac. On nous dit que ce mur avait été bâti par
( 1) Scorpio crassicauda, piceus , manilus elongdtis, levibus ; pectinibus 26 den-
tatis. ( PI. 42 , Jig. 2 )
An Scorpio australis? Herbst, Monogr. tab. I V , fig. 1 .?
Tome I I I . jq