dans ses fondemens, et de ramener le calme dans uri pays que les
factions ont long-tems agité»
Comme personne n osa ouvertement s’opposer aux vues ultérieures
de l’homme qui disposait dë toutes les places, qui distribuait
les faveurs ou infligeait les châtimens, la tentative que l’on
avait laite de soulever le peuple contre lui pour lui enlever le
pouvoir, n aboutit au contraire qu’a le fortifier encore plus. Kérim
sé fit concéder dans cette assemblée le titre de vékil ou de lieutenant
général du royaume, et peu de tems après il envoya Ismaël
à Abada, forteresse située entre Ispahan et Chiras, avec ordre au
commandant de le servir et honorer comme r o i , et de le faire
garder comme un prisonnier dont il répondait sur sa tête.
Ce qui avait fait croire aux ennemis de Kérim qu’ils parviendraient
à former un parti redoutable contre lu i, c ’est que les habi-
tans d Ispahan et du nord de la Perse voyaient avec regret les constructions
qu il faisait faire à Chiras. On y bâtissait entr’autres,
depuis près de deux an s , un superbe palais qui annonçait, de sa
p a r t, 1 intention d’aller habiter cette ville, et d’y transférer le siège
de l ’Empire.
Ce palais était moins étendu, moins beau que celui d’Ispahan;
mais on jugeait qu’il serait plus élégânt, plus commode : les jardins
y étaient plantés avec plus de goût ; ils devaient être plus
arrosés, plus ombragés ; ils devaient présenter surtout une plus
grande variété d’arbres : les sites y étaient plus pittoresques. On
voyait déjà, au milieu d’un carré fort étendu et consacré à la culture
des plus belles fleurs et des fruits les plus exquis, un pavillon
dans le genre européen, où le corps du vékil devait reposer un
jour. Ce pavillon seul avait coûté 3o,ooo tomans ou à peu près
i,8oô,ôoo francs.
Les craintes des habitans d’Ispahan étaient fondées ; le vékil vint
habiter ce palais avant qu’il fût achevé, et il fixa sa résidence à
Chiras pour être plus à portée de la province qui lui était^e plus
attachée, et d’où il tirait la majeure partie de ses forces. Il s’était
approche des Arabes de la côte, qu’il avait à ceènr de Soumettre
entièrement. Cette v ille, d’ailleurs plus voisine du golfe, lui paraissait
plus propre qu’Ispahan k devenir le point central du commerce de
la Perse avec l ’Inde.
Il ne quitta pourtant pas l ’ancienne capitale sans faire tous ses
efforts pour y rappeler les Arméniens, qui, dans les tems d’anarchie
ou de tyrannie, avaient porté ailleurs leur industrie et leur
commerce. Il donna aux uns des,secours en argent; il prêta aux
autres des sommes assez considérables ; il accorda à tous les mêmes
privilèges dont ils avaient joui sous Chah-Abhas ÎSfa Par ce moyen,
le faubourg de Julfa se repeupla en partie ; la ville se serait probablement
relevée si Kérim y était venu quelquefois durant son règne,,
ou si après sa mort il n’était survenu de nouveaux trouhles qui se
prolongèrent, ainsi qu’on verra, durant plusieurs années.
Comme toutes les villes de la Perse, Chiras avait considérablement
souffert dans sa population, dans son industrie, dans tous
ses édifices. Les remparts étaient en très-mauvais état; les mosquées
menaçaient ruine ; les plus beaux palais avaient fait place à
de chétives maisons, ou avaient disparu au point qu’on n’en retrouvait
plus la trace. Kérim engagea les seigneurs qu’il avait fait venir
auprès de lu i, pour sa sûreté , de tous les points de l’Empire, à
reconstruire ces palais pu à en bâtir de nouveaux , et à fournir aux
dépenses qu’exigeaient les fontaines, les.bains puhlies, les beses-
teins, les caravanserais , les mosquées et les madressés,
- Chiras pourtant fut bien loin d’atteindre à çe degré d’opulence,
de beauté et d’étendue auquel Ispahan était parvenu sous le règne
de Ghah-Abbas.. La Perse avait trop souffert dans ces derniers tems ;
elle était trop dépeuplée , trop appauvrie-; le malheur avait trop
abattu les forces physiques et morales de tous les individus; le ressort
de la prospérité publique était trop affaibli, pour que Kérim
opérât les grandes choses qui eurent lieu sous Ghah-Abbas-. D’ailleurs
, ces deux hommes ne se ressemblaient pas r Ghah-Abhas.
avait toutes les qualités d’un grand-homme, et Kérim toutes colle*;
d'un homme de bien. Le premier sut imprimer aux Persans ou à
ceux de sa religion, ce caractère de grandeur et d’héirdïsine dont le
royaume avait besoin pour s’affermir^et s’étendre ; il développa,
dans les Arméniens ou les non-Musulmans, cet esprit de trafio,