envers son neveu et son souverain indigna contre lui la nation.
Quelles que fussent ses qualités, personne ne voulait pour roi celui
q u i, pour parvenir à l’être, avait eu recours à une perfidie.
On peut dire néanmoins que Sadek borna là tous ses crimes. La
déposition de son neyeu s’opéra sans troubles, sans effusion de
sang. Il est même probable, avec les qualités dont il était doué,
que ni l’agriculture, ni l ’industrie, ni le commerce ne se seraient
ressentis de cette révolution si personne ne se fût opposé à ses desseins
, si Ali-Murad n’eût pris une seconde fois les armes, et n’eût
entraîné dans son parti quelques-unes des provinces situées au
nord et à l’ouest de la Perse.
Après la mort de Z é k i, Ali-Murad avait congédié les troupes
qui étaient venues se ranger volontairement sous ses drapeaux, et
s’était rendu à Téhéran avec celles qu’il avait en premier lieu amenées
de Chiras. Tout le nord de la Perse, si nous en exceptons le
Mazanderan, dont nous parlerons bientôt, s’était soumis au fils
de Kérim , et jouissait d’un repos qui paraissait ne devoir plus être
troublé , quand tout à coup la nouvelle de l’emprisonnement de
Aboul-Fétah plongea de nouveau ce pays dans l’agitation et le
désordre.
Selfékar-Khan, Kamsaï, qui se trouvait pour lors gouverneur
de Casbin, prit le prétexte de cet emprisonnement pour lever des
troupes , ravager les provinces voisines , et menacer la capitale.
Dans moins d’un mois il eut à sa soldé m e armée de plus de vingt
mille hommes , avec laquelle il marcha vers Cachan, dont il voulait,
avant tout, se rendre maître.
Ali-Murad, qui connaissait l’audace et la bravoure de cet homme,
n’eut rien de mieux à faire que d’appeler à son secours le khan de
Kermanchah, le khan d’Amadan et le prince de Caracciolan, intéressés,
comme lui, à s’opposer aux entreprises de ce rebelle. Les
deux premiers lui fournirent chacun quatre mille hommes, le troisième
lui amena trois mille cavaliers curdes. Lorsque ces forces
l ’eurent joint, il marcha droit à son ennemi. Les deux armées se
trouvèrent en présence l ’une de l’autre , dans la belle plaine de
Cachan, au commencement de décembre 1779.
Selfékar
Selfékar brûlait d’envie de se battre : une victoire le rendait,
maître dans peu de Cachan, de Kom, dé Téhéran et de tout le nord
de la Perse ; il est vrai que, vaincu, il ne lui restait pour retraite
que Casbin, ville ouverte, et peu propre à résister à un ennemi
supérieur en forces. .
Ali-Murad était dans une position plus favorable : victorieux,
toute la Perse devait bientôt lui être soumise; vaincu, il se repliait
sur Ispahan, où il trouvait une garnison nombreuse qui l’aurait
soutenu. Il avait un autre avantage sur son ennemi. Selfékar ,
rebelle, ne pouvait entretenir son armée que par des contributions
f orcées et par le pillage ; Ali-Murad, combattant pour le souverain
légitime, touchant les revenus de plusieurs provinces, devait avoir
dans son parti tous ceux qui étaient intéressés au maintien de l ’ordre.
Le militaire d’ailleurs devait se ranger plus volontiers sous les
drapeaux des chefs qui combattaient pour le successeur de Kérim ,
que sous ceux d’un étranger.
Cette dernière conjecture ne tarda pas à se réaliser. Dès que le
signal du combat fut donné; Ali-Beg, un dés généraux de Selfékar,
passa , avec six mille hommes qu’il commandait, du1 côté d’Ali-
Murad. Le reste de l’armée du rebelle, découragé par cette défection:,
fut taillé en pièces : six cents hommes restèrent sur le champ
de bataille, cinq mille furent faits prisonniers, le reste fut entièrement
dispersé. Selfékar se sauva, mais il fut pris peu de tems après
et mis à mort.
Après cette victoire, Ali-Murad tourna ses vues vers Ispahan.
Sadek y avait envoyé son fils Djaffar avec sept mille hommes ;
Djaffar était le frère utérin d’A li-Murad : soit qu’il ne se crût pas
en état de résister aux forces qui le menaçaient, soit qu’il ne voulût
pas combattre un frère auquel il était attaché, il sortit d’Ispahan
aux premières sommations qui lui furent faites, et vint camper à
deux lieues de la ville, d’où dl se rendit ensuite à Chiras.■ ■
Ali-Murad fit son entrée dans la capitale vers la fin de décembre
1779, et en prit possession au. nom d’Aboul-Fétah.
Sadek-Khan s’était d’abord flatté qu’Ali-Murad verrait avec plaisir
succéder à Kérim l’homme qui lui avait toujours servi de père,
Tome III. Y j