tranquillité dans le pays, et affermissait le pouvoir du vékil quand
tout à coup il fut rappelé à Chiras.
On ne sait pas si sa conduite avait fait naître des soupçons à la
c o u r , ou si Kérim avait conçu des craintes en réfléchissant au
mérite, à la popularité de ce chef, et surtout à l’affection qu’avaient
pour lui tous les soldats. Quoi qu’il en soit, sans entendre la justification
de son général, sans avoir en main aucune preuve de
crime , il lui fit arracher les y e u x , et il se priva par-là du plus
ferme soutien de son pouvoir.
Ce trait d’ingratitude envers celui de ses parens à qui il devait
tous les avantages qu’il avait obtenus sur le plus puissant de ses
ennemis, serait bien fait pour étonner si on ne savait que dans ces
régions, où le despotisme le plus féroce a établi son empire ,
l ’homme puissant fait disparaître à son gré tout ce qui peut lui
porter ombrage. N’a-t-on pas vu entr’autres Chah-Abbas Ier. , que
tant de voyageurs ont honoré du titre de Grand, faire mourir son
fils aîné, par la seule crainte qu’il ne fût trop pressé de régner? Ne
voit-on pas de tems en tems tous les frères, tous les parens de celui
qui arrive au trône, tués, aveuglés ou enfermés ?
La côte maritime , depuis les environs de Gomron ou Bender-
Ab a s s i, jusqu’au Schat-el-Arab ou fleuve des Arabes, est occupée
par diverses tribus d’Arabes ordinairement sédentaires, et rassemblés
dans de petites villes ou dans des villages qu’ils sont toujours
prêts à quitter au moindre danger qui les menace. Tous ces Arabes
sont Sunnites, et conséquemment ennemis des Persans, avec qui
ils évitent de s’allier. On évalue leur population à quatre ou.cinq
cent mille individus. Ils sont tous soumis au roi de Perse j ils lui
paient un tribut annuel, et lui fournissent des troupes lorsqu’ils
en sont requis. Du reste, ils se gouvernent à leur gu ise,-et ils
n’obéissent qu’à leur» scheiks ou seigneurs, qui sont ordinairement
héréditaires, à moins qu’ils ne mécontentent trop fortement la
tribu. Dans ce c a s , tous les chefs de famille s’ assemblent, les déposent
ou lés chassent, et en élisent d’autres, qu’ils prennent dans
la même famille ou parmi celles qui sont les plus distinguées et les
plus riches.
Ces Arabes ont en général peu d’industrie , parce qu’ils ont peu
de besoins et très-peu de désirs : ils sont si sobres dans leur nourriture
, si simples dans leurs habits, si peu recherchés dans leur
ameublement, qu’ils se procurent, presque sans travail, tout ce
qui leur est nécessaire; ils ont cependant quelques faibles navires
au moyen desquels ils font un petit commerce avec Mascate, avec
Bassora et avec les divers ports du golfe ; quelques-uns se livrent
à la pêche des perles, et se rendent pour cela, tous les ans, aux
îles de Barrhein ; les autres élèvent des troupeaux ou cultivent la
terre.
La tribu Kiab , qui habite la partie méridionale duShusistan, on
Cette partie de la Perse, qui s’étend à plus de vingt lieues à l’est
du Schat-el-Arab, cultive plus particulièrement la terre. Le pays
qu’elle habite, est plus arrosé, plus fertile que le Kèrmesir, où se
trouvent les Arabes houles. On y récolte du riz , du froment, de
l’orge, du doura, du maïs, du coton et des dattes en abondance.,
Dans le Kermesir, la terre y est en général si peu fertile, si sèche,
que le soleil détruit ou suspend de bonne heure la végétation. La
plupart du tems on nourrit le menu bétail avec du poisson séché
au soleil, et l ’on a recours, pour le chameau, au noyau de la datte
qu’on met en poudre.
Tous ces Arabes sont naturellement portés aux armes ; ils se font
la guerre entr’eu x , et se battent pour ou contre les Persans, suivant
les circonstances ou les intérêts de leurs scheiks. S’ils étaient
unis entr’e u x , s’ils n’obéissaient tous qu’à un seul chef, ils résisteraient
facilement au roi de Perse ; ils pourraient se maintenir indé-
pendans. Mais la jalousie d’uné part, et l ’ambition de l’autre, font
qu’il y a toujours parmi eux quelques scheiks qui recherchent les
faveurs de la cour, et qui sacrifient pour cela les intérêts de toute
la nation.
Pendant les troubles qui agitèrent la Perse, la plupart des scheiks
cessèrent de payer leur tribut, ou ne s’y soumirent que lorsqu’ils
se trouvèrent menacés par des forces considérables. Le khan du
Laarestan avait fait rentrer dans lé devoir ceux qui étaient voisins
de Gomron. Kérim était venu à bout de ramener celui de Bender-
T t a