CHAPITRE XX VI.
Départ de Constantinople. Route p a r VHellespont, la
côte de Troie, Ipsera, le p o r t D a ïlo , le cap Sunium.
.Arrivée à Athènes ; gouvernement dé cette ■ville. Course
au mont Hymette > à M arathon et au Pentelique.
N o tr b premier so in , lorsque nous fûmes un peu remis de nos
fatigues, fut de réunir notre collection qui se trouvait éparse, afin
d’être en état de profiter du premier bâtiment neutre qui ferait voile
pour Marseille, Livourne ou Gênes. Les objets que nous avions
recueillis en Égypte, à Rhodes , à L é ro , avaient été déposés dans le
palais de France ; mais tous ceux que nous avaient fpurnis les environs
de la Propontide et de l’Hellespont, Tenedos, Lesbos, Scio,
Miconi, Delos, Naxos et Crète, se trouvaient dans la maison consulaire
de Scio ; et ceux de Milo, de Santorin, de N io , de la Syrie,
de la Mésopotamie, de la Perse et du désert de l’A rabie, venaient
d’être laissés en Chypre. Nous ne pûmes les réunir tous à Constantinople
que dans le mois de janvier, malgré toute l’activité qu’y
apportèrent M. V ia l, vice-consul à Scio (1) , et M. Henri Mure ,
consul à Larnaca (2).
L a mort de notre ambassadeur Aubert-du-Bayet, survenue au
moment où il avait formé le projet de nous faire passer à Athènes
sur une frégate française ( la Brune ) , et de nous faire rendre de
là à Corfou ou à An çône , en nous privant d’un moyen que nous
regardions comme sûr de sauver nos collections , nous jeta dans
une incertitude dont nous ne crûmes pouvoir sortir qu’en faisant
demander à l ’ambassadeur d’Angleterre, par M. Carra-Saint-Cyr,
(1) Il avait remplacé M. Digeon, mort depuis plus d’un an.
(a) Il y était arrivé peu de tems ayant nous,
secrétaire
secrétaire dê légation, et remplaçant pour lors M. ! Aubert-du-
Bayet , un passé-port ou sauf-éondûit pour nous et ‘pour le fruit
de nos recherches. U ii ambassadeur français n’auràit certainement
pas balancé à l ’aCéorder à dés Anglais : M. Smith crut devoir lé
refuser.- Ce refus nous;surprit d’autant plus, que nous ne le demandions
que pour nous embarquer sur un navire neutre. Ne voyant
pas d autre motif, dans la conduite de ¡cet agent j* que celui de se
conformer aux intentions que le gouvernement anglais manifestait
alors de faire a tous lés-Français Une guerre; à mort’, 'nous dûmes
nous tenir sur nos gardes, et prendre toutes les précautions que la
prudence exigeait.
Nous fumes plusieurs fois sur le point de laisser' au palais de
France nos collections, et de revenir en France par l’Allemagne ;
mais nous ne pûmes jamais nous résoudre à nous séparer des objets
qui nous avaient tant coûté de travaux à acquérir, et tant donné dé
peine à conserver. I
Cependant il fallait se résoudre à quitter l’Empire othoman d’une
manière ou dune autre. La saison des orages était déjà passée 5
l’Archipel ne pouvait avoir attiré des corsaires anglais 5 l ’Adriatique
ne voyait flotter alors que le pavillon tricolore. Nous dûmes
nous flatter que nous arriverions sains et saufs à Corfou, en faisant
le tour de la Morée ou en traversant l ’isthme de Corinthe.
Dans cet espoir, nous frétâmes un petit navire turc pour Coron,
avec la clause fexpresse que nous ¡passerions quelques jours à A thènes;
que nous séjournerions, sur la route, partout où nous voudrions
; qu’il n’y aurait aucune marchandise à bord, ni aucun
autre passager que çeux que nous désignerions. Cette précaution
était nécessaire, parce que la peste faisait pour lors beaucoup de
ravages à Constantinople.
Plusieurs Français, pressés comme nous de retourner dans leur
patrie, voulurent être du voyage ; ce qui nous fut d’autant plus
agréable, que nous étions liés d’amitié avec quelques-uns d'en tr eux.
Le navire ayant;été bien lavé; bien parfumé, vint mouiller à
Galata le 3o mai 1798, à la pointe du jour , et à trois heures du soir
il déploya ses voiles et fit route pour l’Hellespont,
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