que nous avions depuis quelques jours, savoir, que M. Caraman,
préférant de rester à la ville où il avait formé quelques liaisons, et
où il espérait se perfectionner dans la langue persane, n’avait pas
a g i, pour nous en. faire sortir, avec tout le zèle qu’exigeait notre
position. Nos soupçons nous portèrent à insister fortement suri
notre demande, et à menacer même de faire appeler le médecin
hongrois pour nous servir d’interprète. A ces mots tout changea
d’aspect, tout s’aplanit. A la suite de quelques phrases que le-
drogman prononça, le gouverneur ordonna sur-le-champ à un de'
ses officiers de nous conduire partout où nous voudrions aller,
de nous faire trouver un logement tel que nous le désirerions, et
de nous recommander de sa part au chef du village que nous voudrions
habiter.
• Le lendemain nous sortîmes de la ville par la porte du nord, et
nous arrivâmes, après trois heures de marche, à Tegrich,village
de cent cinquante maisons, situé sur le bord oriental d’un ruisseau,
à u n demi-quart de lieue du mont Albours. On va de Téhéran,
à Tegrich par un terrain u n i, qui s’élève insensiblement : le chemin
est beau, et la terre est partout susceptible de culture.
Préjugeant favorablement de ce, lie u , que rien ne dominait à
l ’orient, à l’occident et au midi; satisfaits d’avoir trouvé plusieurs
plantes intéressantes, qui nous avaient donné une idée avantageuse
des productions de la nature; charmés de voir u n territoire fertile
et des eaux abondantes, nous résolûmes de ne pas pousser plus
loin nos recherches, et de nous accommoder de ce village, Nous
y fûmes également invités par l’air d’aisance et de santé que nous
présentèrent les habitans, par la propreté des rues et par la beauté
des eaux que nous voyions couler de toutes parts.
Avant de mettre pied à terre, l’officier qui nous accompagnait,
fit demander le kélonter ou chef du village : il était absent, et ne
devait revenir que le soir. Les.fonctions de ce magistrat sont à peu
près les mêmes en Perse qu’en Turquie ; il a la police du village j
il fait la répartition de l ’impût'; il le prélève , et de verse dans le
ti ésor du gouverneur de la province. C’est à lui qu’on s’adresse pour
toutes les demandes qu'on a à faire aux habitans, relatives aux
hommes,
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hommes, aux chevaux, aux vivres à fournir en tems de guerre. Sa
présence nous aurait épargné la peine de faire des recherches nous-
mêmes pour nous procurer un logement : un mot de l ’officier eût
suffi pour qu’il nous eût logés sur-le-champ d’une manière convenable.
La chaleur étant déjà très-forte, nous fûmes obligés de chercher
un abri. On nous conduisit dans l’enclos de la mosquée , et l ’on
nous invita à nous reposer sous un des plus beaux platanes que
nous ayions vus dans l’Orient.
Ce lieu, rafraîchi par le feuillage épais de cet arbre et par les
eaux vives et abondantes d’une fontaine qui coulait au pied de la
mosquée, était le rendez-vous ordinaire des vieillards, des enfàns,
des infirmes et de tous ceux que des occupations n’appelaient pas
aux champs ou ne retenaient pas dans leurs maisons.
On avait à peine étendu le tapis sur lequel nous devions nous
asseoir, que nous nous vîmes entourés d’un grand nombre de villageois
, pour qui l ’arrivée de trois Européens était un spectaclp
assez curieux. Us parurent très-empressés de savoir qui nous étions,
d’où nous venions, et quel était le motif de notre arrivée à Tegrich.
Dès que nous eûmes satisfait à leurs questions, un des plus âgés de
la troupe parla beaucoup de la bonté des eaux, de la salubrité de
l ’a ir , de l’excellence des fruits et des légumes.de son pays ; il nous
apprit ensuite qu’anciennement un Européen y était venu passer
trois mois , y avait vécu de lait pur , et s’était rendu à Casbin dès
que sa santé le lui avait permis. ■
. Pendant que l’officier et notre domestique cherchaient une maison
, nous fûmes'curieux de voir l’intérieur de la mosquée ; ce qu’on
nous permit facilement. Nous prîmes ensuite la mesure du platane
sous lequel nous étions assis.
La mosquée n’a rien de remarquable, si ce n’est qu’elle renferme
les dépouilles de l’iman Zaade-Saleh, personnage que les Persans
vénèrent, et dont ils viennent visiter le tombeau.
, Quant au platane, il avait au bas du tronc une expansion conique
ou pyramidale qui semblait lui servir de base et lui donner de
la solidité. La mesure que nous en prîmes, ras de terre, nous donna
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