au supplice s’ils n’avaient été fortement soutenus par les troupes
qu’ils avaient à leurs ordres, et si celles-ci n’avaient'déjà înanilèsté
plusieurs fois leur mécontentement de se battre pour une cause qui
leur était devenue étrangère depuis que Mohammed-Hassan n’existait
plus. Fétah-Ali , ne doutant bientôt plus que toute la garnison
ne fût gagnée, prit le parti de sortir de la ville seul et sans armes,
et d’aller se mettre à la merci de son ennemi, qu’il redoutait encore
moins que ses propres soldats.
Conduit devant Kérim, il se nomma, et se jeta à ses pieds en lui
disant : ce Seigneur, je sais que vous demandez ma tê te , je vous
» l’apporte : je mérite la mort pour avoir voulu vous combattre
» lorsque j ’aurais dû m’empresser de vous servir ; je viens la rece-
» voir de votre main ; frappez , punissez vous-même le coupable
» qui a osé vous offenser Mais si la générosité vous portait à
» me pardonner, si par bonté vous me laissiez une vie qu’il ne tient
» qu’à vous de me ra v ir , vous n’auriez pas dans votre armée de
» serviteur plus fidèle, de guerrier plus dévoué. Quels que fussent
» les dangers qu’il me fallût affronter pour vo u s , ils ne seraient
» jamais en proportion de mon zèle et de mon attachement. Vous
» m’avez depuis long-tems commandé l’admiration; daignez aujoun-
» d’hui me forcer à la reconnaissance. Que je vous doive la vie;
» elle ne sera plus employée qu’à mériter votre estime et à vous
» faire oublier mes erreurs. »
Kérim était trop généreux, trop bienfaisant pour frapper l’ennemi
qui tombait à ses pieds ; il le releva avec bonté, lui pardonna»
le reçut dans son armée, et lqi donna, peu de tems après, un corps
de troupes à commander.
Après le départ de Fétah-Ali, les offîciers-généraux, parmi les-
quels on remarquait Mir-Kunéh-Khan, Arabe, proposèrent, dans
une assemblée qu’ils convoquèrent à cet effet, d’envoyer une députation
à K érim, pour lui faire part qu’ils avaient résolu de lui
ouvrir les portes de la ville, et de mettre bas les armes ; ce qui fut
généralement adopté, f a r cette démarche, officiers et soldats obtinrent
la faculté de se retirer chez eux avec leurs armes et leur
bagage, ou de prendre du service dans l’armée des assiégeans.
Toutes les provinces persanes situées entre la Géorgie et la Caspienne
, depuis le Guilan jusqu’aux environs de Terki et du fleuve
Té rek , appartenaient pour lors au khan de Kouba, nommé Fétah-
Ali-Khan, qu’il ne faut pas confondre avec le général de même
nom, dont nous venons de parler.
Kouba est une très-petite ville du Chyrvan, située sur la petite
rivière qui se rend au port de Nizabad; elle est à cinq ou six lieues
de la Caspienne, à quinze lieues sud de Derbent, à dix-huit nord-
ouest de Bakou. Sous le règne de Nadir, le khan de Kouba était
sous la dépendance de celui de Bakou ; mais Fétah-Ali, qui avait
succédé depuis peu à son père Hussein-Ali, avait trouvé le moyen
de s’y rendre puissant, et de soumettre par les armes les khans de
Derbent et de Bakou.
Kérim ne fut pas fâché de trouver en lui un homme én état de
contenir les Lezguis, qui n’ont jamais cessé d’inquiéter le nord de
la Perse, et d’en imposer au prince de Géorgie. Fétah-Ali lui ayant
envoyé sa soumission, appuyée sur des présens considérables, il le
confirma dans le gouvernement général des provinces du Mogan,
du Chyrvan et du Daghestan, après avoir réglé les subsides que ce
khan lui ferait passer chaque année, et avoir reçu les otages qui
devaient répondre de sa fidélité.
Il restait à soumettre le prince <Je Géorgie, et, ôter à Azad tout
espoir de se relever un jour. Kérim fit menacer Héraclius de lui
faire la guerre s’il ne se remettait, comme ses aïeux, sous la dépendance
de la Perse, s’il n’évacuait promptement Érivân et tous lés
pays qu’il avait envahis au nord de l ’A ra x e , et s’il ne lui envoyait
Azad sous bonne escorte ; il promettait, à l’égard de Celui-ci, dë
le traiter d’une manière honorable, Soit qu’il prît du service dans
l ’armée, soit qu’il voulût vivre dans Ispahan ou dans Chiras comme
un Simple particulier.
Héraclius, plus timide ou plus prudent que son père Teymû'urâs
n’avait été, préféra de s'affermir dans ses États, én se soumettant
à K érim, plutôt que de risquer de les perdre en lui faisant là
guerre ; il céda de bonne grâce tout ce que son père avait usurpé,
sollicita le diplôme qui devait le confirmer dans la dignité de sultan.
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