Dès le lendemain de notre arrivée, il fut arrêté avec Aga-Riza.,
que nous ferions une visite au gouverneur, qui avait témoigné le
désir de nous v o ir , et de s’informer du motif de notre voyage en
Perse. Nous ne pouvions que desirer aussi de le vo ir , tant pour le
remercier de nous avoir logés chez son douanier, que pour lui
demander si c’était à Téhéran que nous devions espérer de trouver
les ministres du roi.
Le jour et l’heure ayant été fixés, le nazir ou lieutenant du khan
vint au devant de nous, et nous conduisit dans une salie très-spacieuse,
où le khan se rendit deux minutes après, accompagné dé
ses principaux officiers. Cette sa lle , située au rez de chaussée,
donnait sur un j ardin peu étendu , mais très-orné, et rafraîchi par
une eau vive et abondante. Nous remarquâmes dans la salle "quelques
tableaux de peu de va leu r , deux entr’autres qui paraissaient
être le portrait de deux Européens. Le douanier, qui était venu
avec nous, n’était point entré dans la salle d’audience.
Après les complimens d’usage, et lorsque nous parûmes vouloir
parler du motif de notre voyage, tous les officiers sortirent de la
salle et furent se promener dans le jardin : il ne resta que le nazir
et le premier secrétaire. Notre conversation dura plus d’une heure.
Le khan, jeune homme de vingt-cinq à trente ans, nous parut bien
plus instruit, bien plus poli que ne le sont ordinairement les pachas
en Turquie ; il écouta avec beaucoup d’attention ce que nous lui
dîmes touchant les intérêts politiques et commerciaux des Persans,
des Turcs et des Russes. Il nous apprit que Méhémet était parti
avec toute sa cour pour leKhorassan, dans le dessein de s’en emparer
; il nous conseilla de nous rendre à T éh é ran , où nous pourrions
attendre les ministres dn roi , à moins que nous ne voulussions
aller jusqu’à Mesched ; il ajouta qu’il nous ferait accompagner
par un de ses officiers jusqu’à Téhéran , et qu’il nous remettrait
deux lettres de recommandation, l ’une pour Morteza-Kouli-Khan
son frère, un des généraux de l ’armée, et l ’autré pour Hadgi-Ibra-
liiin, premier ministre du roi.
T out ce qui était relatif à notre mission ayant été réglé, le khan
voulut nous faire goûter quelques fru its , quelques confitures,
quelques bonbons du pays. Ses officiers rentrèrent a lo rs, et il ne
fut plus question que du pacha de Bagdad. Lorsque nous eûmes
satisfait la curiosité du gouverneur, relativement à la maladie et à
la guérison de ce vieillard, pour qui il avait la plus grande estime ,
et lorsque nous lui eûmes raconté, dans le plus grand détail, la fin
tragique, mais bien méritée du kiav a, nous primes congé de lu i,
et fumes reconduits par son nazir jusqu’à la porte du palais, ou
le douanier vint nous joindre.
Nous restâmes encore trois jours àKermancliah pour attendre les
lettres que le khan nous avait promises, et pour donner à l’officier,
nommé Aboul-Hassan, qui devait nous accompagner , le tems de
se préparer. Nous employâmes ces trois jours a parcourir là ville
et ses environs, et à payer notre tribut d admiration à 1 un des plus
beaux monumens de la Perse. ;
Kermanchali se trouve à soixante-dix lieues nord-est de Bagdad,
an 34e. degré 37 minutes de latitude boréale, suivant les observations
des Arabes et des Persans, et aux. 34e- ét i 4e- 1 suivant celles
de Beauchamp. Elle est dans une plaine ouverte au sud et au sud-
est , et fermée, au nord et au nord-est, par des montagnes tres-
èlevées, sur lesquelles nous appercevons encore de la neige ; ellfe a
à l’ouest les collines que nous avons traversées. Sa population.n est
que de huit ou neuf mille habitons , quoiqu’elle soit aujourd’hui la
résidence d’un khan de premier rang , et la capitale d’une province
fort étendue.
4 Cette ville est assez bien fortifiée; elle est entourée d’un fossé
très-profond, et défendue par un mur très-épais , bati en briqués
durcies au soleil. La citadelle, que le khan habite, est .en fort bon
état ; elle fût rebâtie, par ordre' de. ’l luinm-s X 01 l!!-K 1 ian sur l;em?
placement de l’ancienne. Lesjnurs dé la ville furent de même réparés.
Nadir voulut mettre cette place en état de résister aux T u r c s ,
qui s’en étaient emparés en i723 , sous.la conduite (le Hassan ,.pâcha
de Bagdad, e t, quelques années:après, sous colle d’Achmed sou
fils , qui lui avait succédé au pachàfik. j j
C e t t e ville n ’est pas aussi ornée que les. autres de la Perse..: les
besesteins n’y sont ni vastes ni ëlégans; les mosquées non plus n’y