étendue, mais assez bien fortifiée, et il y séjourna le huitième, afin
de laisser reposer ses troupes ; il n’avait plus que trois ou quatre
jours de marche pour se rendre à Ispahan. Informe qu’il y avait à
Yesdekast une somme de trois cents tornans ( 18,000 liv .) qui appartenait
au fisc , et dont l’envoi à Chiras avait été retarde à cause
de la mort de Kérirn, il demanda cette somme. On lui répondit
qu’A li-Murad l’avait exigée de vive- fo rce , et qu’on la lui avait
remise. Sur cela il entra en fureur, accusa la ville d’avoir voulu
favoriser le rebelle, fit saisir les principaux habitans au nombre
dé vingt-huit, et les fit précipiter du haut des murailles de la citadelle;
il fit ouvrir le ventre à un seheik ou émir, parent de Mahomet
, et vénéré, dans toute la contrée , comme un saint personnage
: son crime était d’avoir assisté à la délibération qui avait ete
prise au sujet de ces trois cents tomans, et d’avoir été d’avis qu’on
ne pouvait se dispenser de les donner à Ali-Murad qui les réclamait
impérieusement.
Zéki-Khan ordonna en même tems la démolition de la citadelle
et des maisons qui y sont enfermées, et dans sa rage il fut plusieurs
fois sur le point de raser la v ille , et d’en égorger tous les
habitans.
Tant de cruauté, tant de scélératesse dans 1 homme qui voulait
usurper le pouvoir, révoltèrent si fort tous ceux qui en furent les
témoins, qu’à l ’instant même une partie de sa garde prit la résolution
de purger la Terre de ce monstre. Le complot ne fut ni long
à ourdir, ni difficile à exécuter : la nuit suivante, dès que les cour-^.
tisans de Zéki furent sortis de sa tente et qu’il s’y trouva seul, les
gardes, à un signal convenu, en coupèrent à la fois toutes les cordes
qui la soutenaient, et l’abattirent sur lui. Embarrassé, comme il
dût l’être , et ne pouvant se''3éfendre, il fut percé de mille coups
et laissé mort sur la place.
L ’efïèt que cette nouvelle produisit le lendemain sur l ’armée, fut
tel qu’on devait l ’espérer. A la pointe du jour le camp retentit de
mille cris de joie ; on n’entendit de toutes parts que des chants
d’allégresse : il n’y eut personne qui n’applaudît au coup qui venait
de frapper l’homme qu’on regardait déjà .comme le plus méchant,
le plus cruel, lep lu s féroce de la Terre. Tous les soldats se portèrent
en foule à la tente de leur général 5 tous voulurent jouir du
spectacle qu’offrait le tyran’ abattu : c’etait à qui maudirait le plus
sa mémoire ; c’était à qui pourrait arracher un lambeau dé sa chair.
La prise d’un grand convoi lorsqu’on manque de subsistances, la
reddition d’une place importante après un siégé long et meurtrier,
une victoire "complète obtenue avec très-peu de perte ou une paix
honorable à la veille d’un combat, rien de tout cela ne sera jamais
aussi agréable à une armée, que la mort de Zéki ne le fut à la
sienne. Ce qui est digne de remarque,tc’est:que, parmi ce grand
nombre d’hommes accoutumés à le servir, prêts à braver pour
lui tous les dangers, on ne vit couler aucune larine,- on n entendit
aucun soupir : pas un regret ne fut donné à sa mémoire ; pas le
moindre remords ne tourmenta jamais les gardes qui avaient treïnpe
leurs mains dans son sang.
Ges Cris de jo ie , ces témoignages d’indignation $,ces mouvemens
désordonnés, ne furent pas de longue durée : un sentiment plus
doux rendit bientôt à elle-même cette armee. Aboul-Fetah était
chargé1 de chaînes, et personne n’avait encore songe à les briser*
A la première réflexion qu’on en f it , au premier mot qu on entendit
à ce sujet, tous les soldats y par un mouvement spontané et unanime
; se portèrent vers l’endroit où les prisonniers étaient détenus,
et demandèrent à grands cris Aboul-Fétah. Qu’il soit, disaient-ils ;
notre général et notre chah ; il est le digne fils de Kerim; il sera,
comme lu i, bon, généreux et brave.
Aboul-Fétah ne tarda pas à paraître; et à témoigner à l’armée
combien il était sensible aux démonstrations d’estime et d’attachement
qu’elle lui donnait ; il en prit à l ’instant même le commandement,
fit appeler tous les officiers-généraux, en obtint avec enthousiasme
le sermentde fidélité, passa l’armée en revue, lui fit quelques
largesses, et lui permit de célébrer, comme elle le jugerait à propos,
l ’événement qui venait d’avoir lieu.
Pendant quatre ou cinq jours qu’elle resta campée auprès de
Yesdekast, ce ne furent que fêtes, que plaisirs, que divertisse-
mens. Il n’était plus question d’aller "se battre contre des parens ,