Le 4 > vers dix heures du matin , nous entrâmes à Alep après
quatre heures de marche, et nous allâmes en droiture à la maison
consulaire.
Du lac à la ville la terre est rougeâtre, très-fertile et fort bien
cultivée; elle repose sur une roche calcaire fort dure. Près d’Alep
le terrain devient moins bon et beaucoup plus pierreux. L ’eau
des villages dans lesquels nous avons passé, est fort bonne à
boire.
Notre premier so in , en arrivant à Alep , fut d’écrire aux agens
français établis à Tripoli, à Latakie et à Alexandrette, pour leur
demander s il n y aurait pas dans ces ports quçlque navire français
ou européen, prêt à mettre à la voile pour Marseille ou pour quelque
ville de l’Italie. Il n’y en avait qu’un à Latakie; il était vénitien,
et était en chargement pour Constantinople. Nous résolûmes sur-
le-champ d’en profiter. < '
Nous vendîmes en conséquence nos chevaux, et nons partîmes
pour Latakie le 3o juillet à la pointe du jo u r , avec un moucre ou
muletier de cette ville.
A peine eûmes-nous fait trois lieues ( î ) , que nous rencontrâmes
deux piétons qn on venait de dépouiller-, et qui retournaient sur
leurs pas, n’ayant plus de quoi faire leur route. Rassurés par notre
presence , et tranquilles sur leur subsistance , ils reprirent avec
nous le chemin de L atakie, ou ils voulaient se rendre. Lorsque
nous eûmes fait avec eux environ un mille, nons vîmes dans les
champs un sac de biscuit et autres provisions qu’on leur avait pris,
et nons apperçûmes au loin les trois hommes qui les avaient volés;
ils avaient chacun un fu s il, mais nous étions sans doute trop
nombreux pour qn ils osassent nous attaquer. Nous continuâmes
notre'route sans nous arrêter ni doubler le p a s , et après onze
heures de marche nous nous reposâmes à Mart-Messerin, village
situé dans une belle plaine assez bien cultivée : il doit être à plusieurs
lieues nord de Saarmin, où nous avions passé en allant à
Alep.
(i) Nous ayons évalué le chemin d’Alep. à Latakie, à a5oo toises par heure,
Le lendemain 3i , nous marchâmes quelque teins en plaine;
nous entrâmes dans un fort beau vallon , et nous eûmes quelque
tems devant nous une colline , au sommet de laquelle est un village
dont on ne sut pas nous dire le nom. Nous vîmes au pied de
cette colline beaucoup d’oliviers ; nons nous détournâmes un peu
à gauche,'et nous arrivâmes au Gaffar, dont il a été question à
notre voyage de Latakie à Alep. Nous eûmes au-delà du Gaffar
un chemin très-mauvais, très-montagneux, presque toujours en
pente jusqu’à Gesser-Chourl, où nous arrivâmes après dix heures
de marche.
Le premier a o û t, nous continuâmes notre route à travers des
montagnes presque toutes boisées ; nous laissâmes a droite le
village d’Abdamâ, et nous vînmes descendre au second Gaffar,
situé dans une gorge où coule une petite rivière qu’on est obligé
de passer plusieurs fois. Nous marchâmes ce jour - là dix
heures.
L a chaleur nous avait si fort incommodés les jours précédens,
que , quoique très-fatigués, nous résolûmes de faire pendant' la
nuit tout le chemin qui nons restait. Nous partîmes donc à dix
heures du soir ; nons passâiries vers quatre heures du matin au
dessous de Baloulier, arrivâmes à six à la rivière, où il n’ y avait
presque pas d’eau, et nous entrâmes le a , vers les huit heures, à
Latakie. . ! .
Cette ville, où nous avions passé vingt-deux mois auparavant,
n’était plus reconnaissable : un tremblement de terre avait renversé
le tiers des maisons , et endommagé plus ou moins toutes
les autres : quinze cents liabitans y avaient péri; plusieurs avaient
été estropiés ; tous ceux qui avaient échappé, pleuraient encore la
perte de quelque parent ou de quelque ami; tous exprimaient assez
fortement l ’effroi dont ils furent long-tems saisis. Pendant plus de
deux mois qu’on fut occupé a retirer les cadavres de dessous les
décombres, et à chercher les effets précieux qu’on n’avait pas eu
le tems d’emporter, on était dans les plus vives alarmes ; le moindre
b ru it, le moindre cri faisait sauver les ouvriers, qui répandaient
partout l ’épouvante. Un grand nombre d’habitans, plus timides pu