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■Chah-Abbas, dans le dessein de réunir en un même lieu les eaux
qui descendent de tous les points de la montagne, afin de pouvoir
arroser une partie de la plaine de Cachan, et fournir aux besoins
de quelques villages situés dans cette plaine : ces sortes de digues
sont assez commîmes en Perse.
Le 23, nous eûmes sept heures et demie de marche. En quittant
K o ro u , nous montâmes pendant une heu re; nous descendîmes
ensuite jusqu’à Saoub, village peu considérable, situé dans une
vallée très-arrosée, très-fêrtile et très-bien cultivée. Nous logeâmes
dans un caravanserai qui tombait en ruines : le village pourtant
était en assez bon état. Toute la montagne nous avait présenté
desdndices de volcans.
Jusqu’alors le tems avait été fort beau, et la chaleur très-modérée
: il passa ce jour-Jà à la pluie, et il fit an peu froid.
Le 24, nous marchâmes huit heures et demie. Nous descendîmes
par une pente assez douce dans une plaine qui nous conduisit au
village de Mourtchekort, devenu célèbre par la bataille que Tah-
mas-Kouli-Khan y remporta le i 3 novembre 1728 sur Echeref, et
qui décida du sort de la Perse.
L a température devint plus douce à mesure que nous nous éloignâmes
de Saoub : la journée fut belle , et le soleil encore assez
chaud. Nous apperçûmes de la neige sur les sommets de la montagne
que nous venions de traverser.
Il s’élève dans la plaine de Mourtchekort quelques buttes volcaniques
: les terres nous ont paru très-fertiles. On y voit un grand
nombre de sources qu’on a obtenues par le moyen de canaux souterrains.
Lorsque nous passâmes, on faisait la récolté du coton.
Nous mangeâmes dans ce village, une pomme excellente, à dix
côtes, dont cinq alternes, beaucoup plus élevées que les autres. L a
grenade sans pépins ou à pépins avortés y est assez commune; elle
est bien supérieure à nos meilleures grenades d’Europe.
Nous sommes partis de Mourtchekort le 24 à. huit heures du soir ,
et sommes entrés ci a n s Ispahan le 25 à six heures du matin. Un
commis que nous trouvâmes à la porte, nous conduisit à la douane.
Nous marchâmes, pour nous y rendre, plus de demi-heure à travers
CHAPITRE VI. 99
des ruines; ensuite, pendant près d’un quart d’heure, dans des
rues fort étroites. Lorsque nous eûmes mis pied à terre, on s’empara
de nos effets et on voulut les visiter ; ce que nous eûmes de
la peine à empêcher. Il fallut que le drogman se portât sur-le-
champ chez le gouverneur, pour qui Hadgi-Ibrahim nous avait fait
remettre une lettre, et qu’il obtînt un ordre à cet effet.
En attendant le retour du drogman, on nous vola quelques effets
de peu de valeur, quoique nous fissions bonne garde. Lorsque nous
nous en apperçûines, nous fîmes dire au douanier que nous allions
porter nos plaintes au gouverneur ; il eut l ’air de faire des perqui-
sitions, et ces objets nous furent rendus.
Afin d’être plus libres dans nos recherches, nous avions d’abord
résolu d’aller nous établir à Julfa, un. des faubourgs d’Ispahan,
habite seulement par des Arméniens. Nous avions des lettres de
recommandation pour quelques riches négocians, qui se seraient
fait un plaisir de nous y procurer un logement ; nous aurions pu
de même aller loger à l’hospice de la Propagande, qui se trouve
dans ce faubourg, où nous savions qu’il y avait un religieux européen
; mais nous préférâmes ensuite d’aller descendre dans un
caravanserai peu éloigné du M aydan, afin d’être mieux à portée de
voir- la ville et d’en évaluer les dommages.
Ispahan, que les habitans prononcent Sfahan, Isphohon, est
située sur la rive gauche ou septentrionale du Zenderout, au 32e,
degré 24 minutes 34 secondes de latitude boréale, et au 49e. degré
3o minutes de longitude au méridien de Paris 5 elle est dans une
plaine qui s’étend à plus de vingt lieues à l ’orient, à trois ou quatre
à l’occident, à douze au n ord , et à deux seulement au midi.
Les géographes modernes ont été partagés d’opinion au sujet de
cette ville. Quelques-uns l ’ont regardée comme \'IIecatompylos ou
la ville aux cent portes des Grecs, qui fut pendant quelque tems
la capitale du pays des Partîtes; mais les autres croient, avec plus
de raison, qtie c’est l’Aspadana de Ptolomée. En e ffe t, son nom et
sa position semblent'ne devoir laisser aucun doute à ce sujet. Heca-
tompylos, suivant les géographes anciens; était au 37L degré 5o
minutes de latitude, et à trois journées seulement de l’Hyrcanie,
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