d un long et pénible vo ya g e , et au moment d’arriver à notre destination
, et de jou ir , au sein de nos familles, du fruit de nos trav
au x , nous étions bien loin de craindre que ce serait pour ainsi
dire an port que l’un de nous ferait naufrage.
Avant meine de quitter ia frégate, Bruguière fiat attaqué d’une
petite fièvre; et il ressentit un mal de tête et des douleurs dans les
membres , auxquels nous fîmes d’abord l’un et l ’antre peu d’attention,
mais qtii J’obligèrent pourtant à se mettre au lit en arrivant
au logement que je ini avais fait préparer dans l ’intérieur de
la ville. Les jours suivans il prit l ’émétique , se purgea, ; observa
une diete assez sévère,-et eut reoours quelquefois à un peu de vin
très-vieux d'Espagne, sans éprouver aucun changement dans son
état, ni en bien ni en mal.
La nuit du 28 an 29, il lui survint une jaunisse sur tout le corps,
accompagnée de faiblesse et de mal-aise, qui me fit dès-lors craindre
pour ses jours , et me porta à prier le chirurgien en chef des troupes
françaises qui se trouvaient à Ancône, de venir m’éclairer de
son expérience. Le pouls, à peine fébrile auparavant, devint concentré,
irrégulier, et le malade commença à sentir un.feu interne
qui le minait sourdement, le privait du sommeil, et lui occasionnait
une inquiétude que toute sa raison ne pouvait écarter. Bientôt
il y eut quelques rnomens de délire; les forces s'affaiblirent de jour
en jou r , et le malade cessa de respirer le 3 octobre après midi, sans
paraître souffrir, sans se plaindre, sans regretter une vie à laquelle
ii aurait eu tant de motifs d’être attaché.
M. Comeyras fut d’abord attaqué d’une fièvre tierce, dont les
deux premiers accès n’eurent rien d’inquiétant, mais dont le troisième
, nonobstant l’émétique, se montra comateux , et se prolongea
jusqu’à l’accès suivant, en laissant pourtant quelques heures
de calme. Le quinquina, pris alors à grande dose, n’empêcha pas
le retour du quatrième accès, qui fut comateux comme le précédent
, et à la suite duquel le malade expira dans le même quart-
d'heure , • et presqu’au même instant que Bruguière avait cessé
d’être. Leurs corps furent déposés le lendemain en grande pompe
dans l’enceinte de la citadelle , et des larmes de regret et de douleur
... iurepî
furent versées en abondance sur leur tombe par tous ceux qui les
avaient connus.
Je quittai Ancône peu de jours après pour me rendre à Milan ,
et de là à Gênes, où je m’embarquai pour Nice. Je traversai la Provence,
et arrivai à Paris dans le courant de décembre de la même
année 1798.
F I N.
Tome I I I . Bbbb