Les officiers-généraux de son armée, qui connaissaient son embarras
, et qui n’en auguraient rien de b on , n’attendirent pas que
Mohammed-Hassan fût aux portes de la ville pour traiter avec lui :
la plupart d’entr’eux désertèrent avec leurs troupes, et vinrent se
ranger sous les drapeaux du plus fort et du plus riche, avant même
d’avoir reçu sa réponse. Mohammed-Hassan les reçut très-bien, et
les prit à sa solde.
Azad vit cette désertion sans s’effrayer : Fétah-Ali-Khan son ami,
ét le plus considéré de ses généraux, lui restait attaché avec sept
Ou huit mille hommes ; cela lui suffisait. Il l’envoya à Urmia avec
Ordre d'attendre dans cette place les secours qu’il espérait lui amener
bientôt, et avec cent hommes seulement il prit le chemin de
Bagdad.
Il s’était flatté de trouver auprès des Turcs l’assistance dont il
avait besoin. Il avait espéré qu’au moyen d’une cession qu’il s’engagerait
à faire du côté de Kermanchah ou dans le Haut-Curdistan,
Suleyman, pacha de Bagdad, favoriserait sa rentrée dans l’Ader-
Bidjan, et même l’aiderait à conquérir toute la Perse.
Dans cette espérance il f i t , pour se rendre auprès de lu i, toute
la diligence dont sa petite troupe fut capable, et il se trouva dans
Bagdad presqu’aussitôt que Suleyman fut informé de sa marche :
il avait suivi de très-près les couriers que l’on avait expédiés des
frontières, tant il était pressé de mettre ses projets à éxécution.
Le pacha ne jugea point à propos de fournir à Azad les secours
qu’il demandait; il avait besoin de ses troupes pour contenir les
Arabes et les Curdes de son pachalik. D ’ailleurs, il lui était très-
expréssément défendu par la Porte, de prendre jamais aucune part
aux querelles de ses'voisins.
Azad insista beaucoup sur les avantages que la Porte othomane
retirerait de son union avec la Perse ; il fit valoir l’uniformité de
religion qui en résulterait pour les deux États, et parla longuement
des sacrifices qu’il était disposé à faire envers le pacha s’il voulait
se prêter à ses~vues. Suleyman opposa toujours les ordres du sultan.
Quant aux offres qui lui étaient personnelles, il dit que , satisfait
de gouverner en souverain de vastes contrées, il n’avait nullement
envie de courir après de nouvelles possessions. Du reste, il invita
Azad à quitter le plus tôt possible le territoire othoman, afin de ne
pas donner aux Persans le prétexte défaire un jour la guerre aux
Turcs.
Azad prit alors le parti de se rendre en Géorgie, et d’essayer
s’il ne serait pas plus heureux auprès d’un prince chrétien, dont
il avait été l’ennemi, mais avec lequel il avait vécu en assez bonne
intelligence depuis la paix qu’ils avaient faite.
Teymouras était mort ; Héraclius son fils lui avait succédé : il
reçut très-bien A zad , lui permit de vivre comme simple particulier
dansTiflis, lui accorda un revenu honnête, mais fine voulut jamais
écouter aucune proposition tendante à faire la guerre à la Perse. g
Les secours qu’A zad demandait au prince de Géorgie seraient
probablement venus trop tard. Mohammed-Hassan s’était déjà emparé
de tout l’Aderbidjan et des villes de l’Irak-Adjem que son
ennemi avait occupées. Casbin, Sultanie, Ardebil, Tanris, Kho ï,
avaient ■ ouvert leurs portes : la conquête de toute cette contrée
n ’avait donné que la peine de la parcourir. Urmia seule avait résisté.
Cette ville, nommée Ouroumi par les Turcs et les Persans, est peu
considérable : elle est située à peu de distance du lac du même nom,
vers le sud-ouest telle a une citadelle que sa position sur des rochers
élevés rend imprenable- de vive fo r c e , chez un peuple qui ignore
l ’art d’attaquer les places ; elle fût bloquée par une partie de l ’a rmée
, tandis que l ’autre courait après quelques corps détachés, qui
exerçaient des brigandages dans la province.
Fétah-Ali ne voyant pas arriver, à la fin de l ’été, les secours qui
lui avaient été promis, ne voulut point attendre d’être réduit à< la
dernière extrémité; il traita avec l’ennemi, et lui ouvrit les portes
de la ville et de la forteresse.
Fétah- A li passait pour un des meilleurs généraux qu’il y eût en
Perse. Mohammed-Hassan se l ’attacha par des présens et par la
promesse de lui donner un des premiers gouvernemens du royaume.
En attendant, il le laissa à Urmia avec quatre mille Kagiars, dont
la fidélité ne pouvait être équivoque, et il emmena toute la garnison
qu’il incorpora dans l’armée.