de leur fuite. Zohrab-Khan demanda au roi la permission de courir
après ces fuyards ; ce qui lui fut accordé. Il sortit précipitamment
avec une partie de la garde, et atteignit les Curdes à la fin de la
seconde journée.
Ceux -ci, qui s’attendaient à être poursuivis, se serrèrent, firent
volte-face, attaquèrent la troupe de Zohrab avant qu’elle se fût
ra llié e , et la taillèrent en pièces. Zohrab eut le bonheur de
s’échapper. Les Curdes continuèrent tranquillement leur route
après ce comhat, et arrivèrent sans autre accident sur leurs montagnes.
La conspiration de Mohammed-Kouli, la retraite d’Ali-Merdan-
et quelques murmures qui commençaient déjà à se faire entendre
parmi les troupes, ne donnèrent point encore d’inquiétude à Adel.
Rassuré par les choix qu’il avait faits et par les précautions qu’il
avait prises d’enfermer tous les trésors de Kélat dans une espèce
de citadelle qu’il avait fait construire dans Mesched , il quitta le
Khorassan le 7 décembre 1747 pour se rendre à Achraf, palais situé
à sept ou huit lieues de Férabat, dans le Mazanderan.
A chraf réunit tout ce que la nature et l ’art peuvent former de
plus beau. Qu’on se représente un palais magnifique > bâti sous
Abbas Ier. , sur un terrain légèrement en pente, à deux lieues de la
Caspienne, à six lieues de la haute chaîne de montagnes qui sépare
le Mazanderan du reste de la Perse; des jardins très-étendus, où la
douceur du climat a permis, de réunir tous les arbres de l’Europe
et la plupart de ceux de l ’Inde; des eaux vives et abondantes, distribuées
avec une sorte de magie ; au n o rd , un terrain uni, de la
plus grande fertilité, qui aboutit à la mer ; au midi, une suite de
coteaux et de collines qui vont s’unir aux premières montagnes,
et qui présentent le plus bel amphithéâtre de verdure, et l’on aura
une idée très-imparfaite de ce lieu de délices.
C’est là , c’est dans ce palais qu’A de l-Chah, exempt de toute
crainte , libre de tout souc i, entouré d’une cour nombreuse, empressée
à lui plaire, possesseur d’un harem où l’on avait rassemblé
les plus belles femmes de l’Orient, se livra pendant six mois à toutes
les jouissances que son or et sa toute-puissance lui procuraient. Il
était bien loin de prévoir que bientôt il serait arraché de ce lieu et
. précipité dans un abîme de maux.
Ibrahim-Mirza, qui avait été envoyé à Ispahan en qualité de
gouverneur, ayant vu que le crime conduit souvent au trône, voulût
y parvenir par le même moyen. En partant de Mesehed, il avait
reçu de fortes sommes de son frère ; il s’en servit à Ispahan pour
se faire un parti ; il s’attacha par des libéralités les Turcomaus et
les Ouzbeqs qu’il avait auprès de lui; il s’unit en secret avec Émir-
Aslan, gouverneur de l’Aderbidjan, homme intrépide, audacieux,
dévoré d’ambition, et qui avait alors en main des forces considérables.
Husn-Ali-Khan, ministre du r o i , se prêta aussi aux vues
d’Ibrahim, espérant en tirer parti pour lui-même lorsqu’il en serait
tems. Divers autres khans s’unirent également à Ibrahim.
Adel-Chah , informé de ce qui se tramait contre lui, prit d’abord
le parti, pour faire rentrer son frère dans le devoir, de lui expédier
plusieurs couriers , et de lui écrire les lettres les plus affectueuses
: il lui offrait par ces lettres le gouvernement de telle province
, de telle partie de l ’Empire qu’il pourrait desirer ; il lui
permettait de venir puiser autant de fois qu’il le voudrait dans les
trésors de Nadir ; il l’invitait à ne pas se prêter aux vues ambitieuses
de leurs ennemis communs, et de ne pas présenter le scandale
de deux frères s’entr’égorgeant pour une couronne qui ne
manque jamais, dans ce cas, dépasser sur la tête d’un étranger; il
finissait par le conjurer de venir auprès de lui afin de s’entendre,
afin de combattre de concert tous ceux qui en voulaient à leur vie
ou qui méditaient de leur enlever la souveraine puissance.
Adel-Chah ne se borna pas-à ces démonstrations de bienveillance
et de bonne amitié ; il envoya son favori Zohrab à Ispahan,
avec ordre de faire tout ce qu’il pourrait auprès d’Ibrahim pour
le détacher d’Émir-Aslan, pour l ’engager même à se joindre à un
frère qui le chérissait / contre un rebelle qui ne le servait un moment
que pour le perdre ensuite ; et dans le cas qu’il ne pût réussir,
il devait arrêter ou faire périr Ibrahim et Mohammed-Saleh-Khan
son général, et prertdre le commandement de la ville et des troupes.
Ibrahim ayant été prévenu de la double mission dont Zohrab
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