qui l ’avait traité, dans toutes les occasions, comme le plus cher
de ses lils. L ’opposition que ce fils avait manifestée pour Z é k i,
était trop conforme aux intérêts de Sadek pour qu’il ne la regardât
pas comme très-raisonnable 5 mais lorsqu’il vit-, après la défaite de
Selfékar, qu’Ali-Murad en voulait à Ispahan, il ne se dissimula plus
qu’il allait avoir sur les bras presque toutes les provinces situées au
nord et à l ’ouest de la Perse. Il comptait, à là vérité, sur celles du
midi. Les Arabes de Kermesir prenaient sès intérêts, et avaient
promis de venir, dans toutes les occasions, à son secours. Le Far-
sistan, qu’il avait gouverné du vivant de son frère, lui était toujours
fidèle 1 sa tribu, établie à Péria et aux environs de cette v ille,
lui était dévouée. Mohammed-Khan, Sistani, qui avait été nommé
gouverneur du Kerman, devait lui assurer cette province : il avait
envoyé à Yesd son fils Ali-Nagui-Khan , avec douze mille hommes;
Bagher-Khan, avec trois mille, était parti pour le Laarestan; son
fils Mataki-Khan s’était rendu avec quatre mille dans le Shusistan.
Maître du trésor de Kérim et de tous les joyaux de la couronne,
reconnu sans opposition pour le chef suprême de l’Empire à Chiras
et dans tout le midi, il se croyait bien en état de tenir tête à Ali-
Murad. U n événement qui se passa à Ispahan vers la fin de janvier
»780, lui fit croire qu’il était délivré pour toujours de ce dangereux
ennemi.
Ali-Murad avait rassemblé dans cette ville environ cinquante mille
hommes des meilleures troupes : soldats et officiers paraissaient être
très-portés à se battre pour lui ; les uns et les autres attendaient avec
impatience le retour de la belle saison pour se rendre à Chiras, en
faire le siège, et soumettre tout le midi au fils de Kérim. Rien ne
manquait à cette armée : les provisions étaient abondantes , et la
paye du soldat n’était point en retard ; ni Ali-Murad, ni aucun de
ses généraux, ne lui avait donné sujet de plainte; néanmoins tout
à coup, et sans qu’on ait pu en pénétrer la cause, la révolte s’y manifesta
subitement, et tous les soldats, par un mouvement spontané
et unanime, se portèrent au pillage : en peu de tems le désordre fut
à son comble; la vie du général et de tous les officiers fut menacée,
et celle de tous les habitans se trouva dans le plus grand danger.
Ces- révoltes ne sont pas rares en Perse ; elles sont ordinairement
le résultat de quelque nouvelle très-fâcheuse , qui circule rapidement
dans l ’armée ; quelquefois c’est le défaut de paye ou le manque
de subsistances qui les produit. Mais, quelle qu en soit la cause, si
aux premiers symptômes qui se manifestent, le général ne montre
sur-le-champ de la vigueur , et ne sévit avec force, il n’a p lus, le
moment d’après, le pouvoir de le faire ; il faut qu’il cède au torrent
, et qu’il ne songe plus qu’à mettre sa personne en sûreté.
Ali-Murad, qui ne fut prévenu de rien, qui n ’eut connaissance
d ’aucun mécontentement, qui n’entendit aucune plainte, aucun
murmure de la part des soldats ; qui n’apprit, en un mot, cette
révolte que lorsqu’il n’était plus tems de l’arrêter , se vit oblige,
pour n’en être pas la victime, de sortir précipitamment de la ville
avec ceux de ses soldats, de ses officiers et de ses amis qui voulurent
le suivre.
Dès qu’ il fut hors des murs, il résolut de se rendre auprès du
khan d’Amadan , dont il était l’ami, et dont il avait reçu naguère
des secours ; il ne doutait pas que ce gouverneur ne lui ouvrît ses
trésors et ne lui prêtât ses troupes. Assez grand pour se conduire
ainsi, il se persuadait que son ami s’empresserait, dans cette occasion,
de lui tendre une main secourabte, et qu’il le tirerait promptement
du mauvais pas où il se trouvait engagé. Le khan n’avait
pas l’ame aussi généreuse : il avait secondé les efforts d’Ali-Murad
tandis qu’Ali-Murad était puissant ; il l ’abandonne, il refuse de le
■voir alors qu’il lésait aux prises avec l ’adversité; il répond au Courier
qu’on lui a expédié, qu’il ne doit pas s’exposer à se brouiller
avec Sadek, et qu’il invite son maître à prendre une autre route s’il
ne veut pas être arrêté et livré à son ennemi. Cette réponse lui
coûta la vie.
-A u retour du courier, Ali-Murad et tous ceux de sa troupe
jurèrent de périr ou de mettre à leurs pieds le lâche qui osait les
menacer : dans leur indignation, ils accélérèrent leur marche , et
se trouvèrent aux portes d’Amadan,alors même qu’on les croyait
encore bien loin.
Le khan, qui n’avait autour de lui qu’une faible garde , et qui
Y y a