parcouru dans le plus grand détail. Chardin n’a rien laissé à desirer
à ce sujet. Nous dirons seulement qu’il est encore en assez bon état
quant aux bâtimens, mais il n’y reste plus aucun meuble : tout Ce
qui a pu avoir quelque valeur a été successivement enlevé.
Nous trouvâmes dans les jardins un rosier qui nous étonna par
sa srandeur : c’était un arbre. On le nommait n rosier de la Chine.
Il était touffu, bien arrondi, et avait au moins quinze pieds de haut.
Il était formé de la réunion de plusieurs tiges, qui avaient chacune
de quatre à cinq pouces de diamètre. Ses fleurs en panicule étaient,
nous dit-on, blanches, semi-doubles, très-nombreuses : il n’en restait
point. Les fruits, déjà rougés, qui leur avaient succédé, faisaient
u n assez bel effet; ils étaient lisses et oblongs. Nous en prîmes beaucoup,
qui ont été semés au Jardin des Plantes de Paris et dans celui
de-M. Cels : une seule de ces graines a levé par les soins de M.-Dupont
(1).
La plupart des besesteins et des caravanserais sont fort beaux ;
mais la ville proprement dite est en général mal bâtie : les maisons
ont peu d’apparence au dehors, quoiqu’elles Soient assez belles et
surtout assez commodes au dedans ; elles sont presque toutes en
terre ou en briques durcies au soleil. Il n’y a guère que les beses-,
teins, les palais , les mosquées , les édifices publics qui soient en
briques cuites au feu. Les rues sont étroites, sinueuses, fort sales ;
elles ne sont point pavées, de sorte qu’on y a de la boue toutes les '
fois qu’il pleut, et de la poussière une grande partie de l’année. Les
beaux quartiers, ainsi que les besesteins , sont arrosés avec soin
quand il fait chaud. Toutes les maisons ont une ou plusieurs terrasses
sur lesquelles on couche quatre ou cinq mois de 1 année.
Le Zenderout n’avait presque pas d’eau lorsque nous le vîmes ;
mais, d’après ce qu’on nous dit et ce que nous pûmes remarquer,
cette rivière doit être quelquefois aussi forte que la Seine. L ’eau
en est détournée par de nombreuses saignées. Tous les canaux
' (1) Ce rosier -vient lie fleurir t ce n'est autre chose que le rosier musqué (raja
moschata) , qu’on cultive en France depuis long-tems, mais qui ne s'élève point à
une hauteur telle que nous l'avons vu en Perse.
d’arrosement
d’arrosement qu’on voit dans Ispahan et sur son territoire en dérivent.
Son cours est d’occident en orient. Il prend sa source sur les
montagnes du Loristan, et va se perdre, à vingt ou vingt-cinq lieues
d’Ispahan, dans une plaine marécageuse, située dans le canton de
Rouï-Dechetin. Il parcourt un espace de cinquante à soixante
lieues.
Après avoir vu dans Ispahan ce qu’il y avait de plus remarquable ,-
nous fûmes passer quelques jours à Julfa. Nous nous y rendîmes
par l ’avenue de Tchar-Bag et par le pont Alaverdi-Khan, «m»!
nommé du nom du gouverneur qui le fit construire, à ses frais,
sous le règne de C hah-Abb as.f 1 est uni, et il a trois cent soixante
pas de lo n g , et vingt de large. Le milieu est destiné aux hommes
à cheval et aux bêtes de charge : on a construit de chaque côté,
pour les piétons, une galerie en arcades, large de huit à neuf pieds,
haute de vingt-cinq à trente. La plate-forme de cette galerie, sur
laquelle on'peut également passer ou se promener, est garnie, de
chaque côté, de garde-fous à la hauteur de trois pieds et quelques
pouces : on y monte par un escalier construit dans la tour qui se
trouve à chaque extrémité de la galerie. Tout le pont est bâti en
briques et pierres de taille calcairesfort dures. On y compte trente-
quatre arches fort grandes.
Lorsque l’eau est basse, on peut aussi passer sous les arches du
pont. On a pratiqué à cet effet une galerie qui les traverse, et on a
pavé tout le lit de la rivière en grandes pierres de taille bien liées
entr’elles : quelques-unes s’élèvent au dessus des autres à des distances
convenables, et permettent à un homme d'y mettre le pied
sans se mouiller. On peut voir dans Tavernier et dans Chardin une
description plus détaillée de ce p o n t, ainsi que de celui qui se
trouve à un quart de lieue au dessous.
Julfà est éloigné du pont d’environ trois cents pas : il a près d’un
mille de long du nord au sud, et un demi-mille de l ’orient à l ’occident.,
Ses rues sont fort larges, et: ses maisons aussi élégantes que
commodes. Presque toutes, ont des jardins qu’on arrose, comme
ceux de la v ille , par les eaux du Zenderout. On y cultive la vigne
un grand nombre d’arbres fruitiers et diverses plantes potagères!
Tome II I, O