fit un grand détour pour éviter son ennemi ; mais ces précautions,
ne purent le sauver. Son armée ayant été rencontrée entre le Khorassan
et le Mazanderan par une partie de celle de Charokh , fut
taillée en pièces; lui-même fut pris avee son harem et son bagage,,
et envoyé à Mesched, afin que Charokh en fît ce qu’il jugerait à
propos.
En chemin, la personne à qui ce prisonnier avait été confié, craignant
qu’il ne lui échappât, le fit mourir, et ne porta que le cadavre
au roi. A li ou Ad e l, qui était au nombre des prisonniers, fut condamné
, quoiqu’aveugle, à la m o r t, en expiation des crimes qu il
avait commis. C’est ainsi que périrent cé&deux ambitieux, vers la
fin de 1749-
Après leur m o r t, Charokh , âgé alors de seize ans et quelques
mois, monta sans opposition sur le trône. Dès cet instant, dans tons
les points de l’Empire, on fit la prière publique en son nom, et l’on
battit la monnaie à son coin. Tons les gouverneurs des provinces,
tons les chefs de tribus, tons les commandans- des villes, tous les
mollas , s’empressèrent de lui faire des présens et de lui envoyer
leu r soumission. Du Daghestan et du Khorassan jusqu’au golfe Per-
sique, de Kermanchah et d’Erivan jusqu’aux confins, du Ségestan et-
du Kerman, tout se soumit à ses'lois. Balkhe était rentré sous la
domination de ses rois , et les provinces situées à la gauche de
l ’Oxus, que Nadir avait réunies à la Perse , avaient été rendues San»
difficulté au roi de Bokhara.
L a Perse, rentrée sous Tautorité du souverain légitime , semblait
devoir jouir enfin de ce calme intérieur, de cette sécurité dont elle
était privée depuis pins de trente ans; elle ne devait plus craindre
surtout que de nouveaux ambitieux vinssent rallumer les torches-
des guerres civiles.
• Charokh, quoique jeune, donnait déjà de grandes espérances.
Né dans les camps, élevé au milieu des agitations de la guerre,
exposé souvent à tons les dangers des combats, on pouvait croire
qu’il saurait défendre son Empire s’il était attaqué : il avait vu tous
les maux que produit le pouvoir lorsqu’il n’est retenu par aucun
frein : son coeur avait gémi à l’aspect du sang que son aïeul faisait
répandre ; il avait été indigné de l ’injusté traitement exercé envers
son père sur de simples soupçons ; il avait été témoin des crimes
que fait commettre le désir de régner; il avait appris que l ’amour
des peuples ne s’obtient què par la justice , la grandeur d’ame ,
l ’économie et le meilleur emploi possible des finances; enfin, Adel
et Ibrahim venaient de lui offrir un exemple de la faiblesse des rois
que le mépris ou la haine accompagne.
Charokh , conduit par un bon coeur , guidé par une tête saine,
entouré d’hommes probes et éclairés, ne pouvait manquer-d’opérer
le bien et d’acquérir l’estime des Persans. A peine arrivé au suprême
pouvoir, on le vit faire des réformes dans l ’a rmée, devenues très-
nécessaires : il monta sa maison avec le faste qui convenait à un
grand r o i, mais néanmoins avec toute l ’économie qu’exigeaient les
pertes considérables que la Perse avait faites ; il s’empressa de diminuer
les impôts dont le peuple était surchargé, malgré l’édit qu’Adel
avait fait paraître ; il permit à toutes les tribus qu’on avait transportées
d’une contrée dans une autre , de retourner dans leurs
foyers ; il envoya dans toutes les provinces des gouverneurs que le
voeu du peuple y appelait, et dont la conduite jusqu’alors paraissait
irréprochable ; il s’occupa de la sûreté dès chemins ; il établit le
bon ordre dans les villes ; il rappela aux champs ces hommes que
les.exactions en avaient éloignés ; il ne négligea rien, en un mot,
pour rendre le peuple heureux.
Cette, conduite du roi faisant renaître la confiance parmi le peuple
, chacun se livra au travail : les arts reprirent bientôt leur première
activité; l ’agriculture fit quelques efforts pour réparer les
canaux d’arrosement que la négligence -et la misère avaient laissé
Obstruer. La plupart des négocians que le règne sanglant_de Nadir
avait éloignés, revinrent dans leur patrie, et se livrèrent, comme
autrefois, à des spéculations de commerce : les marchandises de
l ’Inde reprirent leur route -ordinaire , et les caravanes Se succédèrent
sans interruption. . '
ûjlais tandis que les Persans cherchaient à réparer tous les maux
d-eiéur patrie sons un gouvernement juste, modéré et protecteur,
un génie malfaisant travaillait en -secret-à les plonger de nouveau
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