qui aura paru bizarre à des Persans , ou à L’attitude humble et
recueillie qu’ils affectaient dans les rues? Toutes ces figures, au
reste, peu proportionnées entr’ellès et assez médiocrement peintes,
n’excédaient pas quarte ou cinq pouces de grandeur.
Nous rappellerons à nos lecteurs, que lorsque Mahmoud, à la
tête de vingt-cinq mille Afghans, vint assiéger Ispahan sous le
règne de Chah-Hussein, en 1722, son armée était campée à Fera-
b ad , et lui-même habita ce palais pendant sept mois que dura le
siège.
La montagne nommée Sophiu ou Sophissar, qui se trouve au-
delà, est très-escarpée. Ôn v o it , au tiers de sa hauteur, les ruines
d’un pavillon qui avait été construit par un derviche nommé Haï-
der. Il fut embelli ensuite par Cliali-Suleyman, père de Chah-Hns-
sein , et converti en un lieu de plaisir. Ghah-Suleyman y allait
quelquefois passer la journée , dans la belle saison, avec une partie
de sa cour ; souvent il y venait avec quelques-unes de ses femmes,
ou même avec tout son harem.
Ce pavillon, aujourd’hui ruiné, n’a jamais été bien grand; mais,
sa position an nord, des rochers qui s’avançaient au dessus et qui
interceptaient, toute la journée, lès rayons- du soleil ; l ’eau qui
suintait de ces rochers, de beaux platanes qui s’élevaient: aux extrémités
de cette solitude, la vue d’Ispahan et de ses faubourgs, tout
concourait à en faire un endroit bien agréable pendant les fortes
chaleurs de l ’été. Nous aurions pu prendre de là une esquisse de
la ville et de ses environs si nous avions eu nos crayons e t nos
pinceaux , si nous ne nous étions pas arrêtés trop long-teins, au
pied de la montagne, pour ramasser des graines, et pour courir
après un petit lézard qui nous parut fort singulier : on eût dit qu’il
partait un écusson sur Je dos. Nous l’avons représenté p l. 4a,
Jig. 1 (1} ; il est du genre agame. Tout son corps en dessus est d’une
couleur noirâtre tirant: sur 4e bleu, avec une grande tache sur le
dos, d ’un gris un peu fauve. L a queue a des anneaux alternes noirs.
(1) Agame acntellatà fasca , dorso ctnereo-rufescente, crrudd nigro dlbagite
nmiidatd. ( PI- /,2 , jîg-, l . )
et blancs. Il courait par terre avec agilité, et n’était point facile à
prendre.
Les environs d’Ispahan', que nous parcourûmes à notre retour
de Férabad , nous parurent avoir encore plus souffert que la ville.
On y voyait autrefois un grand nombre de villages fort peuplés et
fort riches (1) : il y avait des palais magnifiques, des maisons de
plaisance fort belles, des jardins spacieux plantés avec beaucoup de
goût : rien de tout cela n’existe aujourd’hui ; les palais, les maisons
de plaisance qui faisaient l’ornement de ces campagnes , ont
disparu ; les villages qui en faisaient la richesse, ont tons été détruits
; à peine reste-t-il, sur quelques-uns d’entr’eu x , quelques
chétives cabanes et assez de cultivateurs pour fournir aux besoins
de la ville.
Le territoire d’Ispahan est pourtant encore un des plus fertiles,
des plus productifs et des mieux cultivés de la Perse. Qn l ’arrose au
moyen des eaux que l ’on s’est procurées en creusant la terre à peu
de profondeur , au moyen de celles que fournit le Zenderout, et
au moyen de quelques sources qui descendent des montagnes voisines.
Il abonde en riz , froment, orge, pois-chiches, haricots, lentilles
, maïs, millet et doura ; en fruits et en plantes potagères de
toute espèce. On y récolte abondamment du coton, du tabac à
fumer, du ricin, du sésame, de la garance, du safran. La vigne
n’y est pas aussi abondante qu’à C liiras, ni le mûrier aussi multiplié
qu’il pourrait l’être.
Le climat est un des plus tempérés et des plus sains de la Perse.
L ’hiver n’y commence guère qu’en janvier, et les chaleurs ne s’y
font bien sentir qu’en juillet et en août. Pendant le séjour que nous
fîmes en cette v ille , le tems fut très-beau. Le thermomètre de
Réaumur s’éleva constamment le jour à 14 et t5 degrés, et il ne
descendit pas la nuit au dessous de 7 ou 8.
Les premières pluies tombent ordinairement vers le milieu de
novembre; elles sont très-abondantes , et elles durent quelques
(1) Chardin dit qu’à dix lieues à la ronde on comptait quinze cents villages.
Tome III, pag. 83 , édition in-40. Amsterdam, 1711.