la campagne, force tous les villages des environs, lès pille, emmène
en esclavage les jeunes personnes des deux sexes, vient à bout
de renforcer son armée , s'empare par surprise du pont d’Abbas-
Abad (1), et investit la ville sans que le roi et ses généraux donnent
des ordres ou fassent le moindre effort pour l’en empêcher ,
sans que le peuple, qui veut attaquer les divers pelotons d’ennemis
qui interceptent les subsistances, obtienne la permission de le
faire.
Les habitans de Ben-Ispahan, village à une lieue de la v ille , remportent
un avantage considérable sur les troupes de Mahmoud, lui
enlèvent un grand convoi, lui font un grand nombre de prisonniers
, le repoussent lui-même lorsqu’il vient au secours des siëns i
la désolation est dans l’armée de ce chef ; il s’enferme, se retranche
à Férabat ; il craint d’y être attaqué. Dans ce moment, quelques
milliers d’hommes bien dirigés eussent suffi pour dissiper ou détruire
cette armée d’A fghans. Soit crainte et faiblesse du ro i, soit
trahison du général des troupes, Mahmoud n’est point attaqué ; il
revient de sa frayeur; il espère plus que jamais de s’emparer d’un
trône si chancelant et si mal défendu.
Cependant Hussein se détermine, en juin , à faire sortir un de
ses fils , Tahinas-Mirza , pour provoquer , dans les provinçes , le»
secours dont il a besoin. Tahmas, avec trois ou quatre cents cavaliers
, attaque le détachement qui garde la porte T o k ch i, le met
en fuite , prend la route de Càchan, et se rend à Casbin.
Le peuple, pressé par la faim, s’étant tumultueusement armé en
juille t, et s’étant rendu sur la place du Maydan pour demander
que le roi marchât avec eux à l’ennemi ou leur donnât un génér
a l, on tira sur lui. Ahmed-Khan, gouverneur dTspahan, se m it ,
quelques jours après, à la tête dé ceux qui s’obstinaient à aller combattre
les Afghans : trente mille hommes le suivirent. Ce nombre
eût suffi pour forcer Mahmoud à la retraite si le khan d’Avisa
n’eût fait échouer cette généreuse entreprise en se mêlant, lui et les
Arabes qu’il commandait, avec les combattans, et les abandonnant
(0 C’était le premier ou le plu* occidental ; il n’existe plus aujourd’hui.
avec précipitation au moment qu’il fallut en venir aux mains. Cette
fuite mit le désordre dans les rangs, et jeta partout l ’épouvante.
Ahmed, qui s’était conduit en brave, est accusé auprès dû roi par
le lâche Arabe, et privé de sa place; il meurt, quelques jours après,
de desespoir, en déplorant les malheurs de sa patrie.
C h a h -H u s se in , désespérant d ’ê t r e .s e c o u ru , se déc ide enfin à a c c
ep te r les offres de Mahmoud ; il n ’est p lu s tems : celu i-c i e x ig e ,
a v e c la main de la p r in c e s s e , to u t le ro y aum e .
Melek-Mahmoud, gouverneur de Thoun et de Hérat, s’avance
avec dix mdle hommes pour faire lever le siège : le roi néglige de
profiter de la bonne volonté de Ce guerrier. Mahmoud, au lieu de
le combattre , lui envoie des présens, traite avec lu i , et l’engage à
se retirer moyennant la province de Khorassan et les gouverne-
mens de Thoun et de Hérat, dont il lui garantit la souveraineté.
La famine avait déjà enlevé les trois quarts des habitans, et avait
transformé tous les autres en autant d’animaux carnassiers, lorsque
Hussein se vit enfin forcé à déposer une couronne qu’il n’avait jamais
ete en état de porter. Résolu de souscrire à toutes les propositions
qui lui seront faites, il sort , le 21 octobre 1722 , de son palais,
avec des habits de deuil et le visage couvert de larmes; il parcourt
a-pied les principales rues dTspahan, déplorant les malheurs et
toutes les calamités de son règne, s’accusant de faiblesse, rejetant
les fautes qui se sont commises, sur ses ministres et sur ses conseillers
, et exhortant les habitans à souffrir patiemment le nouveau
joug sous lequel ils vont passer. Le lendemain il signe l ’écrit qu’on
lui présente , par lequel il renonce formellement au trône, le cède
à Mahmoud et à ses descendans à perpétuité, et consent à se mettre,
e 23, entre les mains de son vainqueur avec sa famille, toute sa
maison et tous les seigneurs de sa cour (1).
Par cet événement, aussi extraordinaire qu’inattendu, les liens
(1) Le 23 octobre .722 , suivant la relation des Français et de tons les autres
Européens qui se trouvaient à Ispahan ; suivant VHistoire de Nadir-Chah traduite
du persan par M. Jones, ce fut le 10 octobre 1722, le r i ”, de Moharem, l’an de
i hégire 1135.
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