pouvaient aller au-delà de quëlques pouces autour des îles un peu
éloignées du canal ou sur les côtes de la Grèce ; et cependant il est
dit que les eaux se portèrent jusqu’au dessus des plus hautes montagnes
de Samothrace, aujourd’hui Sainandraki, l ’une des îles les
plus élevées de l ’Archipel.
O r , Samothrace est bien plus haute que ne le sont les rives de la
Mer-Noire ; elle est bien plus haute que ne le sont les terres à une
très-grande distance de cette mer. Pour que les eaux aient pu s élever
dans l’Archipel et dans la Grèce à une hauteur telle qu’on le
dit, il faut supposer que la Mer-Noire avait une étendue vingt fois
plus grande qu’elle n’a; il faut supposer que ses eaux avaient six ou
Sept cents toises de plus d’élévation, et qu’elles couvraient toutes
les terres de la Moldavie, de la Valachie, de la Bessarabie ; que tout
le terrain qui se trouve depuis Gallipoli, Erecli, Rodosto et Cons-
tantinople jusqu'à la M er-Noire, du côté de l’Europe, et celui qu il
y a du golfe de Mundania et du golfe de Nicomédie jusqu’à l’embouchure
du Sangaris, que nous avons dit être très-bas, étaient
beaucoup plus élevés qu’ils ne le sont à présent, sans quoi les eaux
Se seraient écoulées par-là dans la Propontide avant de s’être ouvert
un passage par le Bosphore; et ce Bosphore lui-même, qui
n ’a pas à son ouverture et aux environs« un vingtième de la hauteur
de Samothrace , qu’était-il avant cette époque ?
Les e au x , à la suite d’une éruption volcanique , ont-elles pu
«’ouvrir subitement un passage à travers un espace de cinq à six
milles de surface qu’occupait dans les terres ce volcan ? et ce passage
étant ouvert, comment ont-elles pu se tracer une route- par le
reste du Bosphore, dont la longueur est encore de dix milles ? Si
on suppose que la mer de Marmara n’existait pas, ces eaux ont été
arrêtées un moment pour la remplir; elles se sont répandues sur
les terres basses qui sont au nord, au midi et à l’est de cette mer ;
elles ont eu à creuser le canal des Dardanelles , don t la longueur
est de dix-huit à vingt lieues, avant de parvenir dans la mer Égée.
Si on suppose que le Bosphore existait tel qu’il est aujourd’hui en
-deçà du volcan, si on croit que- la Propontide communiquait déjà
avec la Méditerranée par l’Hellespont, pourquoi ne pas croire aussi
que l’ouverture du Bosphore, toute volcanique qu’elle est, existait
aussi, et qu’elle date d’une époque aussi ancienne que ces mers ?
Le-passage des eaux n’a-t-il pu avoir lieu avant le volcan et pendant
sa durée ? Est-ce donc le seul exemple de feux souterrains au
bord de la mer, d’explosions considérables au milieu des eaux-?
Depuis Buyuk-Dhéré jusqu’àConstantinople, le Bosphore sepré-
sente comme un vallon naturel, sinueux, auquel aboutissent de chaque
côté plusieurs autres vallons. L ’escarpement est schisteux ou
granitique, partout recouvert de terre végétale : rien ne montre qué
ce passage ait été forcé, ni que les eaux se soient jamais élevées au
dessus de leur niveau actuel.
Nous pourrions en dire autant de l ’Hellespont : celui-ci est en
général calcaire; ses escarpemens sont en quelques endroits beaucoup
plus élevés que ceux du Bosphore. S’il n’avait pas été, comme
l ’autre , un vallon naturel, jamais les eaux n’auraient pu «’ouvrir
un passage entre les deux montagnes qui sont, l ’une devant l’autre,
au dessous des seconds châteaux des Dardanelles :; .elles aimaient
bien plutôt miné les terres au dessus de Gallipoli pour se porter
dans le golfe de Saros. En effet, les terres sont très-basses entre ce
golfe et le commencement du canal, surtout à l ’endroit où les Grecs
avaient construit le mur de six milles de long., nommé macron-
tichosù r
En supposant aux eaux de la mer une élévation de quelques toises
de plus qu’elles n’ont aujourd’hui, ce qui est tout ce qu&l’inspec-
tion des côtes pourrait faire admettre à la rigueur, et en supposant
un volcan qui aurait ouvert itout à coup la digue qui s’opposait à
leur passage, elles se seraient rendues à la mer de Marmara comme
-celles d’un grand fleuve, que la : pluie ët la fonte subite des neiges
auraient beaucoup grossies. Arrivées dans l’Archipel par un détroit
une fois plus large que le premier, elles, se seraient répandues sur
-cette grande surface , sans que les habitans des villes maritimes se
•fussent apperçus que i’Helléspont versait ses eaux à plein canal.
Lorsque le iNii est dans sa plus grande'hauteur , les habitans de la
•Syrie,, ceux même d’Alexandrie, voient-ils les.eaux de la mer s’élev
e r , pat cette cause, d une manière sensible ? Les débordemeils du