fortement retranché. Pendant queNadir assure son camp et observe
son ennemi, Séàdet-Khan amène à Mohammed un renfort de-trente
mille- hommes, et engage le combat. Les Indiens sont battus , et
obligés de rentrer dans leur camp avec une perte considérable,
Séadet est pris : khan D evran, généralissime de l ’armée, est blessé
mortellement , ainsi que-plusieurs uméras.
Après cette victoire. Nadir fait bloquer le camp indien. Mohammed',
effrayé de la défaite de ses troupes et de la mort de son général
, demande la paix ; il envoie son vékil-mutlak ou lieutenant
absolu auprès de Nadir, et s’y rend lui-même après- avoir réglé le
cérémonial- de l’entre-vue , et convenu du présent qu’il offrirait à
son ennemi pour qu’il sortît de ses Etats.
Mohammed-Chah étant arrivé à la tente qu’on avait dressée à
cet effet à- égale distance des deux armées . Nadir y fit servir un
repas splendide. Pendant q,ue les deux monarques se livraient à
des réflexions très-senséesésu-r l’instabilité de la fortune et sur les
vicissitudes humaines-; celui de- Perse,' joignant l’insulte à la perfidie
, reprocha à son Convive- sa faiblesse, son imprévoyance, son
manque de courage ; lui dît qu’il avait eu tort die-se mettre à- la discrétion
de son ennemi ; il- ajouta que ses sujets étaient des lâches,
ses courtisans des traîtres ; il lui observa qu’il ne tiendrait qu’à lui
de le détrôner, mais qu’il se contentait d’aller se reposer quelques
jours à Delhi, d’où il retournerait dans ses États (î).
Mohammed sentit la faute qu'il avait faite ; il voulut la-réparer et
sé rendre à son camp : Nadir s’y opposa, et le retint malgré 1-ui. Le
lendemain il envoya proclamer dans le camp indien , de-la part de
l ’empereur, que la paix étant faite, chacun-pouvait se retirer où
bon lui semblerait, et emporter ce qui lui appartenait. Un-détachement
nombreux de Persans avait ordre , en même tems, de s’emparer
du trésor et des équipages de Mohammed, d’amener l ’itimad-
ud-dowlet oit premier ministre-, et de veiller soigneusement à ce
que personne ne touchât à 1-’artillerie, à la caisse militaire, aux
élephans et aux provisions de bdnche.
(1) Other, Voyage enl Tiirqt£ie et en Perse, tom. 1',’pag. 386.
Avant de se rendre à la capitale du Mogol, Nadir prit tontes les
précautions que la prudence exigeait. Il voulut persuader aux Indiens,
que sa marche était concertée avec leur empereur ; il voulut
s assurer de la citadelle de Delhi , et caserner sans accident ses
troupes dans un quartier circonscrit de la ville. Mohammed étant
son prisonnier, il lui était facile de faire apposer le sceau impérial
à tous les ordres qu’il jugeait nécessaires de lui faire donner.
Conformément à ces résolutions , Séadet-Khan fut chargé de
prendre les devans, et de faire livrer la ¡citadelle à deux -mille Persans;
il devait faire proclamer, toujours au nom de l’empereur,
une défense au peuple de s’opposer en rien aux Persans, et de les
■molester en aucune manière et sous aucun prétexte lorsqu’ils entreraient
dans la ville.
Mohammed s’y rendit le 8 mars , et Nadir le 9 : celui-ci alla ,
avec toute son armée , loger dans le quartier q u ’on lui avait préparé.
Les habitans de Delhi avaient attendu jusqu’alors , en silence ,
le dénoûment de cette ¡scène singulière ; ils n’avaient rien compris,
à la conduite de leur roi ; ils avaient été surpris de lui voir licencier
son armée au moment où il en avait le plus besoin ; ils ne
savaient à quoi attribuer la permission qn’il avait donnée à un
détachement ennemi, de prendre possession de la citadelle. Mais
lorsqu ils virent entrer toute l ’annee persane ; lorsqu’ils eurent
appris que leur roi avait été retenu prisonnier; lorsqu’ils Surent
que les ordres qu on avait donnes en son nom , lui avaient été
arrachés par la force ; quand ils virent surtout les Persans commander
en maîtres dans la v ille , ils furent si indignés, qu’il ne
fa llu t, à ceux qui voulurent les soulever, que répandre le bruit de
la mort de Nadir.
En effet , à cette nouvelle qu’on fit courir le lendemain 10 mars,
le peuple indien , le plus doux de tous les peuples, le moins belliqueux
, le moins porté à la révo lte, s'arma en un instant, fit
main-basse sur les Persans qu’il rencontra, se porta au château
et voulut en enfoncer les portes afin d’en chasser la garnison.
Il était déjà tard lorsque Nadir fut informé de ce fait. Il ne jugea
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