Un Curde de la tribu de Zend, nommé Mohammed-Kérim, qui
par sa force , ses talens et son courage s’étâit fait une grande réputation
, et qui , dans ces tems d’anarchie, se trouvait à la tête de
deux ou trois mille hommes aussi braves, aussi entréprenans que
lu i, parut à Ali-Merdan un secours dont il ne devait pas se passer.
Il lui fit proposer de venir le joindre, lui promettant toute la faveur
du nouveau ro i, et le partage du butin en proportion du nombre
des troupes qu’il fournirait.
Kérim était né à P éria, capitale du district de ce nom ; il avait
fait la guerre sons Nad ir, et quoiqu’il n’eût jamais commandé en
chef, Ali-Merdan, sous les yeux duquel il avait plusieurs fois conduit
de faibles détachemens, l ’avait jugé capable de devenir un des
premiers capitaines.
Kérim avait trop de pénétration pour ne pas entrevoir qu’il
dépendait de lui de jouer un grand rôle : Ismaël était encore enfant;
Ali-Merdan avait atteint le dernier âge de la vie. Le premier né
pouvait se passer d’un tuteur lorsque l’autre cesserait d’être. La
Perse, livrée à toutes les horreurs de l’anarchie, devait tendre les
bras à celui qui paraissait le plus propre à rétablir l’ordre : le peuple
était trop mécontent des Afghans pour favoriser Azad ou Achinéd ;
il ne pouvait voir dans Mohammed-Hassan qu’un khan rebelle :
Ismaël, quoique jeune, devait réunir, comme petit-fils de Hussein ,
les suffrages de tous les hommes de bien, de tous ceux qui n’auraient
pas intérêt de prolonger le désordre. Kérim accepta donc avec
empressement l ’offre d’Ali-Merdan, et vint se ranger avec sa petite
troupe sons les drapeaux de ce chef. L ’armée, forte alors d’environ
dix mille' hommes, prit le nom d ’’armée royale. Ismaël fut
proclamé chah dans le camp , et reconnu pour tel dans tout le
Loristan. _
Ali-Merdan’se présenta, en mars iy 5o , aux portes d’Ispahan;
elles lui lurent fermées. En vain il prétexta qu’il n’avait pas d’autre
intention-qne de placer sur le trône un petit-fils de Chah-Hussein,
et de mettre fin par-là aux troubles qui désolaient sa patrie ; en vain
il promit de respecter une ville qui, la première en r an g , serait
aussi la première à donner l ’exemple de la soumission que tout
Persan devait à son souvëi*ainTégitime. Sélim-Khan ', nômniédepuis
peu par Charokh ou par YoussefVgouverneur d'Ispahanpne voulut
se prêter à aucun arrangétaent ni ëéOuter aucune proposition:
Charokh vivait : on disait même qu’il frayait pais entièrement perdu
la vue ; cette ville, la plus- importante de l ’Empire, devait lui être
religieusement conservéé; ou devait être remise à*'celui-là seulement
que la nation aurait reconnu comme chah. Sélim engagea
donc Ali-Merdan à se retirer et à congédier ses troupes s’il ne voulait"
s’exposer à perdre la vie sur un champ de bataille ou sur'un
échafaud.
.Ali-Merdan, trop ambitieux pour renoncer à ses projets, trop
faible pour1 entreprendre quelqü’attaque contre une viüe immense
et populeuse , prit le parti de s’établir fà Gaza; village situé à trois
lieués d’Ispahan, et de continuer de là ses négociations, tànt avec
lè gouverneur, qu’avec lfes principaux habitans. Il espérait venir
à bout de les gagner, ou tout an moins de faire passer chaque jour
dans la ville quelques nouveaux émissaires qui travailleraient à lui
faire des amis, et qui l ’instruiraient, à tout événement, de ce qui
pourrait être tenté contre lui.
Sélim, qui pénétra les desseins de cet ambitieux, et qui ne voulut
pas d’ailleurs lui donner le tems de se fortifier-, sortit avec ses
troupes et un grand nombre de seigneurs, et vint l’attaquer dans
ses retranchemens.
Ali-Merdan s’y -défendit pendant dix jours avec courage ; mais
craignant à la fin d’être fo r c é , il fit proposer à l’ennemi une suspension
d’armes pottr traiter de la p a ix , et arrêtér pa r -là , disait-il,
lé sang qui coulait malgré lui. Il retint de cette manière le'bras des
assiégeans, et au moment où il fallait conclure et signer un traité,
il s’échappa de n u it , et prit avec son armée le chemin des montagn
e s /o ù il ne resta pas long-tems. Il reparut en mai,' avec fine
armée beaucoup plus nombreuse et des prétentions beaucoup plus
fortes. Il menaça cette fois d’assiéger là ville, et de la livrer àu pillage
'si on ne lui en ouvrait les portes à l ’instant même.
Le gouverneur, qui s’était attendu à son retou r, y avait fait
entrer des vivres ; il avait réparé les remparts, mis l ’artillerie en