En h iver, la plupart des voyageurs s’établissent dans les écuries,
qui sont fort propres, et où l’on est plus chaudement que dans les
chambres. Ce qui les y détermine encore, c’est qu’ils sont à portée,
dans les écuries , de soigner leurs chevaux, qu’ils n’ont pu laisser
dans la cour à cause du froid, ainsi que cela se pratique huit ou
neuf mois de l ’année..Il y a dans les écuries, tout le long du mur
intérieur, une estrade de cinq ou six pieds de la rg e , où ils se placent,
et au devant de laquelle ils attachent leurs chevaux.
Quant aux servadars ou valets de caravane., ils ne prennent jamais
de chambres : ils couchent toujours dans les écuries, à portée de
leurs bêtes de somme et des marchandises qu’on leur a confiées.
Mais dans la belle saison une caravane ne va pas ordinairement
lo°er dans un caravanserai : elle préfère camper, à moins qu’elle ne
craigne d’être attaquée la nuit par quelque bande de voleurs.
On ne paie rien pour son logement dans les caravanserais établis
sur les routes, et fort peu de chose dans ceux des grandes villes, qui
sont destinés aux marchand^.
Les caravanserais les plus vastes n’ont pas au-delà de cinquante
chambres à donner ; ce qui fait q u e , lorsque deux caravanes s’y
rencontrent, les marchands qui se connaissent, sont obligés de se
réunir dans une même chambre, ou de se placer sur l ’estrade, sur
les terrasses ou dans les écuries. On peut recevoir dans celles-ci et
dans la cour deux cents chevauxou chameaux, et même davantage/ ;
m a i s passé le nombre qu’elles peuvent contenir, la seconde caravane
est obligée, en tout ou en partie, d’aller camper aux environs.
A u moyen des caravanserais, les voyages se font dans tout l’Orient
à peu de frais, puisqu’on ne se trouve forcé à aucune autre dépense
extraordinaire qu’à celle”des transports. Les négocians qui suivent
leurs marchandises ou qui vont quelque part en acheter, les pèlerins
qui se rendent à la Mecque, sur les bords du Tigre et de l’Eu-
phrate, ou dans le Khorassan, ne dépensent jamais dans leurs voyages
} pour leur nourriture ou celle de leurs chevaux, ce qu’ils
auraient dépensé dans leurs maisons s’ils y étaient restés. Les Arméniens,
qui sont ceux qui voyagent le pins, poussent la sobriété au
point de faire cinq ou six cents lieues, et même davantage , sans
manger autre chose que du pain seul , ou assaisonné avec de la
poudre d’une espèce de sariète, dont ils ont fait provision en partant.
Us achètent quelquefois les fruits de la saison, un peu de mauvais
fromage ou de lait caillé aigri ; et ce n ’est, que dans les villes
où ils séjournent, qu’ils mangent une fois par jour du riz ou de la
viande, et qu’ils boivent du vin ou de l ’eau-de-vie.
Quant au transport des marchandises, les frais en sont très-modiques
, attendu que les bêtes de charge ne coûtent presque rien à
nourrir : elles paissent gratuitement dans les champs, comme nous
l ’avons dit ailleurs, ou ne mangent dans les caravanserais, que de
la paille et de l’orge qu’on achète pkrtout à très-bas prix.
Cette manière de voyager presque sans frais permet aux marchandises
de parcourir des espaces fort grands, d’être transportées,
par exemple, du Tibet et dé l ’Indoustan jusqu’à Constantiriople
par terre, sans éprouver une augmentation bien considérable dans
leur valeur ; et l’on jugera de la. modicité, de ces frais, puisque,
malgré les douanes ¡nombreuses qui sont établies sur la route y et
les bénéfices des divers marchands par les mains de qui elles pas-i
sent, elles sont vendues à Constantinople et à Smyrne, où on les a
apportées par te rre, à meilleur marché qu’à Londres et à Amsterdam
, où elles sont venues par mer.
Mais revenons à Bissoutoun. Nous étant transportés sur les
bords de la petite rivière qui baigne à l’est les murs du caravanserai,
le premier objet qui s’offrit à nos regards fut un chapiteau
qui date certainement du règne-des Sassanides. Nous l’avons représenté
p l. /|0 , J!g. 1 , a, b , c.
Il est d’un beau marbre couleur de rose, et il a quatre faces, dont
deux opposées portent une figure humaine très - bien travaillée.
Dans l ’une (f ig . i , a ) , qu’on prendrait pour celle d ’un jeune r o i,
on voit à sa main droite une boule d’où part un objet triangulaire.;
alongé , courbe , assez semblable à une des trois figures de Ker-
manchah, et à sa main gauche un autre objtet qu’on pourrait regarder
comme un livre, tel, qu’on peut supposer qu’ils étaient faits à
cette époque ; au dessous de cette main on voit une fleur ou peut