demi-lieue de la mer, tout couvert de chênes vêlants qui appartenaient
au gouvernement vénitien.
Le produit de cet arbre doit être jugé considérable, si on fait
attention qu’il occupe une étendue de plusieurs lieues à peu de distance
de la côte, et qu’il s’enfonce autant dans les montagnes. La
république avait fait construire sur le rivage de la mer deux magasins
distans d’une lieue l’un de l’autre, dans lesquels le fermier
déposait la cupule de ce chêne, jusqu’à ce qu’il jugeât à propos de
la vendre on de la transporter ailleurs.
Après deux heures de marche vers l ’orient, nous quittâmes la
plaine, et nous nous enfonçâmes dans une gorge en nous diri-
' géant au sud-est. L a roche est partout calcaire, et la terre serait
très-propre à la culture si le sol était moins incliné et moins ,lavé
par les eaux de pluie. Les chênes y étaient assez beaux , assez
vigoureux, et il croît spontanément parmi eux , des oliviers., des
chênes ve rts, des charmes, des gaîniers,,des poiriers, des térébin-
thes : un voit dans les vallons, des ormes, des figuiers, et sur les
bords des chemins, l’aubépine, le paliure, la ronce, la cléma-
• lite , etc.
Nous marchâmes deux heures et demie sur la montagne pour
arriver à Béritia. Ce village, composé de cent quatre-vingts maisons,'
est au nord-est du mont Saint-Salvador : les environs sont
rocailleux, dépouillés d ’arbres ; on voit seulement autour des habitations
quelques arbres clair-semés, tels que noyers, cyprès, figuiers
e t oliviers, et deux Ou trois vignes vers le couchant. La plupart
des maisons tombent en ruine , parce que les habitans, que la
crainte seule avait pu engager à s’établir dans des lieux si tristes.,
si scabreux, si peu fertiles, descendent peu à peu dans la plaine et
partoi les chênes, dont ils cultivent le terrain, et où ils ont construit
quelques habitations éparses.
Le fr-oid est quelquefois assez v if à Béritia : il n’est pas rare d’y
•Voir tomber un peu de neige dams les mois de décembre et d e .janvier.
Ce v illage, Comme tous ceux qui sont un peu élevés, manque
de fontaine : on y boit une eau de puits, qui nous a paru de médiocre
-qualité.
Le 20, nous quittâmes Péritia, et après une heure et demie de
marche à travers une montagne calcaire assez haute, et par un
chemin très-mauvais, très-scabreux , nous arrivâmes à Signés en
laissant le mont Saint-Salvador à notre droite. Les environs de ce
village sont peu cultivés; le sol est trop en pente : on y remarque
un schiste feuilleté d’un gris-blenâtre, qui ressemble à de l’ardoise.
Les terres que les habitans de eé village cultivent, sont à l’est le
long de la mer ; elles sont plantées en vignes , et principalement
en oliviers. On sème très-peu de grains sur ces montagnes : le terrain
est trop en pente, et la roche trop à découvert pour le permettre. (
• De Signés, en nous dirigeant au sud par un chemin très en pente,
très-pierreux-, puis au sud-ouest en' côtoyant la mer, nous arrivâmes
dans- trois heures à Ipso.
Tonte cette côte est plantée en oliviers : on y voit très-peu de
vignes-, et il n’y a d’arbres fruitiers qu’autour des habitations et
des maisons de campagne ; ils consistent en orangers, citroniers,
figuiers, pêchers , mûriers, etc.
Ipso est un petit village mieux bâti et plus riche que tous ceux
que nous venons de parcourir; il est situé sur une plage on les
navires peuvent jeter l’ancre sans danger.
Nous quittâmes Ipso à trois heures après midi, le ciel étant cou-J
vert de nuages. Lorsque nous fûmes à quelques pas du village, le
tonnerre commença à gronder derrière nous, et bientôt la pluie
tomba en abondance. Le vent était sud-sud-est le matin, et varia
ensuite plusieurs fois en passant à l’e st, au sud, et quelquefois au
nord. Nous nous reposâmes un moment à Condocali, et après trois
heures de marche nous entrâmes dans la ville. Le troène , le pru-
nelier, l’orme , le sureau , la clématite, la ronce, bordent les chemins
depuis Ipso jusqu’aux environs du port Gouïn, et partout les
champs sont couverts d’oliviers.
On retire, au nord de Corfou, du kermès en très-petite quantité,
parce que le chêne qui fournit ce rouge précieux, est devenu rare
sur un sol tout planté d’oliviers; mais on doit supposer qu’il était
beaucoup plus abondant autrefois, puisqu’il avait été sonmis à un
impôt par les Vénitiens.