Téhéran la ville des p la n e s Il n’y trouva rien autre de remarquable
(i).
Ainsi Téhéran , sous les Sophie, était une ville peu importante *
quoiqu’elle fût la résidence d’un khan et la capitale de la contrée.
Sa population peu considérable ne lui donnait aucune sorte de célé-t
brité. Placée hors des routes fréquentées par les caravanes, elle
n ’avait d’autre avantage qu’un territoire étendu, fertile et arrosé :
son industrie purement agricole bornait son commerce à sa propre
consommation et à quelques objets qu’elle était en état de fournir,,
tels qu’orge, froment ; laine et bestiaux, qui passaient presque tous
à Gasbin ou à Korn.
Après la bataille de Salmanabad, dont nous avons déjà parle,
les Afghans vinrent investir Téhéran, croyant y surprendre Chah-
T a lim a s ,q u i, pressé par les Turcs déjà maîtres de Candja, d Ar-
debil, de Sultanie et de presque tout l’Aderbidjan, avait quitté
Casbin, et transféré à Téhéran son trésor et son harem. Chah-Tall-
mas, informé à tems de la défaite de ses troupes, s'était empressé
de sortir de la ville avec tout son bagage, et de se sauver à Aster-
Abad. Les Afghans ne furent pas plutôt les maîtres de Téhéran,',,
qu’ils la pillèrent et y commirent toutes sortes de désordres , sons:
prétexte qu’elle n’avait pas, ouvert assez tôt ses portes au vainqueur
.
Il paraît qu’alors cette ville fut presqu’entiérement détruite ;, car
aujourd’hui ses murs, ses bazards, ses mosquées , ainsi que les maisons
des habitans et le palais du ro i, tout présente l ’aspect d’une
ville neuve ou entièrement renouvelée. Méhémet, qui en a fait la
capitale de son Empire, y a fait construire , pour la commodité des,
voyageurs et des marchands, de très-beaux caravanserais et de très-
grands besesteins, qui en font une des plus belles villes de la Perse-
Lemalais du roi ne laisse rien à desirer pour l’étendue, la.beauté:
des édifices, le luxe des jardins et l’abondance des eaux. Il est situé
au nord de la ville, et il en occupe plus du quart; il est de forme
(i ) Les fameux Voyages de Pietro délia. Valle , tern. I I > pag. 3ç o , édition m-4,°-
Paris , 166,}, i
carrée, ainsi que la ville, et est défendu, comme elle, par un mur
épais et fort hau t, et par un fossé large et profond. Ces murs Sont
bâtis en terre.
La ville, que nous avons dit être carrée, a un peu plus de deux
milles, mais il n’y a pas la moitié de cet espace qui soit occupé par
des maisons : on y voit de très-grands vides et des jardins très-
spacieux, plantés, comme autrefois, dé toutes sortes d’arbres fruitiers.
Vers le milieu de chaque face du carré,, on a pratiqué une
porte que l’on a voulu garantir, en ca6 de siège, par une grosse
tour ronde, placée à trois cents pas ordinaires en avant. Cette tour
est peu élevée, et surmontée d’une terrasse propre à recevoir deux
ou trois pièces de canon.
Malgré les efforts que Méhémet avait faits pour peupler sa nouvelle
capitale, malgré les secours qu’il' avait accordés aux marchands
et aux fabricans qui venaient,s’y établir, la population, à
notre arrivée, ne pouvait pas être évaluée à quinze mille habitans ,
y compris la maison et les troupes du r o i , qui étaient de trois
mille. '
Il est à présumer néanmoins que si les successeurs de Méhémet
continuent de résider à Téliéran, cette ville verra beaucoup accroître
sa population. La présence Basai© du roi doit produire cet
effet en y attirant les grands de l ’Empire, partout jaloux de se
montrer à la cour afin d’y briguer les faveurs du m aître, et obtenir
leS premiers emplois et les premières dignités. L 'o f de tout l’Empire,
répandu autour du trône, ne petit manquer aussi d’attirer à
la capitale des marchands de toute espèce, des fabricans en tout
genre, des hommes de tous les états et de toutes les professions.
L ’air de Téhéran ri’est cependant pas très-sain : .vers la fin de
l ’été, il y régné‘des fièvres malignes et des fièvres putrides très-
dangereuses : les intermittentes et rémittentes bilieuses y sont assez
communes ; elles commencent dès la fin de juillet, et se prolongent
bien avant dans l’hiver. Mais la maladie qui y.fait le plus de.ravage,
c’est la dyssenterie.
L ’insalubrité de Téh é ran , ¡pendant les f o r t e s , chaleurs de l ’é té,
est si bien reconnue par les habitans eux-mêrae6, qu’il n’y reste
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