d’une partie des troupes ; il avait pénétré un des premiers dans la
forteresse, et avait beaucoup contribué, par son courage, au succès
de cette journée. Djaffar ne crut pouvoir lui donner une plus grande
marque d’estime, qu’en lui confiant un corps de deux mille hommes,
et le chargeant d’aller auprès des Lors et des Bakhtiaris, qui
avaient vaincu Méhémet, afin de les engager à se soumettre et à
venir se ranger sous ses drapeaux; il les faisait aussi inviter à le
reconnaître solennellement pour régent, et à lui envoyer des otages
, ainsi qu’ils avaient fait sous Kérim et sous Ali-Murad.,
Ismaël avait trop peu d’estime pour son cousin, et il avait encore
trop sur le cçeur l’indigne traitement qu’il en avait reçu, pour le
servir- dans cette occasion avec le même zèle qu’il avait mis à la
prise de la citadelle. En combattant Bagher, il avait cru travailler
pour son propre compte; il avait jugé très-urgént d’empêcher qu’Is-
pahan ne restât entre les mains de Méhémet, qu’il regardait déjà
comme plus redoutable que Djaffar. Les forces qu’il se vit en mains,
et la mission dont il fut chargé, en lui donnant l ’espoir de mettre
dans ses intérêts les habitans du Loristan, lui donnèrent aussi celui
de se défaire tour-à-tour des deux rivaux qui se disputaient le
trône.
Comme, dans toutes les entreprises de ce genre, la première
chose qu’il faut avoir c’est de l ’argent, Ismaël en emprunta autant
qu’il put dans la capitale ; il dépouilla sur la route quelques riches
caravanes, et il mit à contribution un grand nombre de villages.
Arrivé à sa destination, on juge bien qu’au lieu d’agir en faveur de
son parent, il chercha' à gagner pour lui-même, par des largesses
et par tous les moyens possibles, les Lors , les Bakhtiaris et toutes
les tribus guerrières de ces contrées ; il leur représenta Dj afïàr comme
un homme cruel, avare, aussi incapable de diriger les opérations
d’une armée, que de gouverner un Empire. Adonné au v in , aux
femmes et à toutes sortes de débauches, il laissait tout le soin des
affaires à son ministre Mirza-Hussein, et la direction des armées à
ses généraux. Ismaël fît ensuite valoir les droits qu’il avait lui-même
au trône : il était, comme Djaffar, neveu germain de Kérim; il
était né sur les montagnes du Loristan, parmi les tribus auxquelles
il
il s’adressait; elles pouvaient bien compter, d’après cela, sur un
attachement inviolable de sa part, et sur une reconnaissance sans
bornes. : • ; ■
Plusieurs de ces tribus, également mécontentes de Méhémet et
de Djaffar, se décidèrent à prendre parti pour Ismaël, et à s’avancer
Vers Néhavend , Amadan et Kermanchah, afin de surprendre ces
villes, et pouvoir de là menacer également les deux compétiteurs.
Mehémet, selon eu x , était pour le moment hors d’étatj de rien
entreprendre, et Djaffar ne pouvait être fâché qu’on s’emparât des
villes qui appartenaient à son enpemi. Ces deux conjectures se
trouvèrent également fausses : Méhémet était sur le point de partir
pour le Guilan avec des forces assez considérables , ainsi que nous
le verrons plus bas; et Djaffar, qui suivait les mouvemens de son
cousin, qui faisait éclairer sa conduite, n’eut pas plutôt appris cé
qui se passait, qu’il résolut de marcher contre lu i, et de le combattre
avant que son parti ne grossît ; il sortit en conséquence d’Ispahan
le 18 décembre i 785 , après avoir pourvu à la défense de
cette ville.
éi L ’armée, forte d’environ vingt 'mille hommes, s’avança jusqu’à
Amadan avec peine et avec lenteur, à cause du froid excessif qu’elle
éprouva, et de la neige qui tomba en abondance plusieurs jours
de suite : elle fut obligée, en s’éloignant de la capitale, de sonder
le terrain., et de se frayer la route à travers cette neige; elle marcha
néanmoins en bon ordre. A son approche, celle d’Ismaël se
dissipa, et lui-même se sauva dans le Curdistan. Gosrof, prince du
Carracciolan, chez qui il vint se réfugier, l ’aurait peut-être livré à
Djaffar si le premier ministre, Mirza-Hussein, ne l’eût fait demander
avec une arrogance et des menaces qui révoltèrent Cosrof, e t qui
l’engagèrent même à s’armer pour le malheureux qu’on poursuivait.
Ali-Khan', Kamsaï, et Mohammed-Hussein-Khan, Gragosli,
ainsi que d’autres seigneurs curdes, s’étant réunis à Cosrof, vinrent
à Amadan, et présentèrent, le 2 mars 1786, le combat à Djaffar.
L ’armée des alliés éprouva d’abord quelques pertes dans le centre,
parce que Djaffar y avait porté l’élite de ses troupes ; mois Cosrof
et Ismaël parvinrent à soutenir tous ses efforts ; bientôt après ils
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