Le vent d’ouest souffla toute la journée avec plus de force que
les jours précédens. A la n uit, nous allâmes à bord dans l ’espoir
que le vent tomberait , mais il continua de souffler, et nous fatigua
beaucoup. A onze heures le capitaine mit à la vo ile , prit des ris.,
et tira sa bordée vers la côte opposée. Le 1.4 > h la pointe du jou r ,
nous nous trouvâmes à l ’entrée du golfe de Crissa. Lé vent n’était
plus si fort : nous avions, à l ’est , la baie d’Asprospittia , an fond
de laquelle est la ville de. ce nom : elle sert d’entrepôt aux denrées
de Livadia, capitale de la province.; son po rt, suivant nos: mariniers
, est le meilleur du golfe pour les vaisseaux un peu gros.
Le golfe de Crissa nous parut très-profond, et la côte fort élevée;
il offre divers mouillages fort peu connus de nos marins : le plus
fréquenté est celui qui sert d’entrepôt aux denrées de Salona ,
qu’on croît être l’Amphissa des Anciens.
Nous étions entre la terre et quelques îlots lorsque, vers les neuf
heures, le calme ou un léger vent de sud succéda au vent d’ouest :
nous avançâmes peu; cependant, tant à la rame qu’à la vo ile , nous
gagnâmes, le soir, la rade de Pétronisa. Nous avions alors dépassé
le mont Parnasse.
Ce village est à une demi-lieue de la mer ; il est situé dans une
plaine fertile., arrosée, peu étendue, et entourée de montagnes fort
hautes. Sa population n’excède pas quatre cents habitans.
Le 15, nous longeâmes la côte avec le calme. Nous remarquâmes,
près de la rade, une petite rivière dont 011 arrête les eaux pour
arroser les terres ; nous doublâmes un cap un peu élevé ; nous passâmes,
après midi, entre la terre et deux îles, dont l ’une est fort
petite, et l’autre nous parut avoir demi-lieue de long; elles abritent
une rade qu’on nous dit être fort sûre : nous remarquâmes
autour de la rade une petite plaine , et un village bâti au sommet
d’une montagne.
A mesure que nous avancions, le golfe devenait plus étroit ; il
nous p a ru t, on, cet endroit , n’avoir guère plus de deux lieues ,
tandis qu’il en a environ dix vers le cap Sicyone, ou près de sa bifurcation.
Lorsque nous eûmes dépassé les deux îles, et doublé le cap qui
se trouve à peu de distance, le vent'd’ouest qui survint, nous obligea
de tirer notre bordée vers Æ giuin, aujourd’hui Vostitza, située
dans une anse, sur la côte méridionale. Les montagnes qui sont au
sud de cette ville , nous parurent fort élevées. Nous louvoyâmes
jusqu’au soir, et nous mouillâmes à une heue ouest de Vostitza. La
côte était calcaire, fort haute et bien boisée.
Nou s‘étions encore mouillés le 16 , après le lever du soleil, lorsque
nous vîmes passer, sur un sentier qui se trouvait à cent pas du
rivage , deux, ou trois Grecs qui conduisaient plusieurs chevaux
Scellés ; ils venaient de Vostitza, et se rendaient àPatras. Nous nous
décidâmes sur-le-champ à quitter le navire , et à profiter de cette
occasion pour nous rendre un peu plus tôt dans cette ville. Moyennant
quekpi’argent que nous offrîmes, oes Grecs consentirent à
nous céder leurs ch e v au x , e t à nous suivre à pied. Nous étions
sept ; trois d’entre nous restèrent à bord pour veiller aux effets, les
quatre autres montèrent à cheva-l.
Nous suivîmes la mer par un chemin pierreux, fort mauvais;
nous rencontrâmes bientôt une maison occupée par quelques gardes
que le gouvernement y entretient pour la sûreté de ces lieux ordinairement
infestés de voleurs. Lorsque nous eûmes marché environ
trois heures sur la pente de la montagne -, et parmi des bois assez
touffus,nous nous trouvâmes sur un terrain bas et uni, qui s’avance
dans la mer, et -forme le détroit qui sépare le golfe de Lépante de
celui de Patras, Nous passâmes un torrent qui nous parut devoir
être assez considérable l ’hiver ; il se nomme Drapanos , et va se
jeter dans le golfe près du promontoire de ce nom. Les eaux sont
employées l’été à l’arrosement des terres.
Le détroit, large tout an plus de demi-lieue, est formé de deux
pointes de terre qui s’avancent l’une en face de l’autre , et sur
chacune desquelles on a bâti un château afin de défendre l’entrée
du golfe à tous les vaisseaux de guerre étrangers qui voudraient
tenter d’y pénétrer. Derrière celui de Romélie on voit s’élever une
montagne qui fait suite à celle de Lépante, et s’avance à l ’occident
jusqu’en face de Patras.
A mesure que nous avancions , le pays devenait plus beau , les