d’industrie et d’ordre qui devait fendre ia Perse le pays le plus
commerçant et le plus riche de l’Asie. Kériin travailla à étouffer
toutes les factions, et à guérir toutes les plaies que l’an archie
avait faites. Avec de l ’instruction ou une éducation telle qu’il faudrait’la
donner à tous ceux qui doivent un jour avoir dans leurs
mains la destinée des nations , Kérim eût été un roi juste et bon ;
Abbas eût été un grand roi. L ’un aurait fait le bien par des moyens
doux, lents , approuvés par la droiture et l’équité; l ’autre aurait,
Corinne le Tout-Puissant, opéré le bien général lors même qu’il en
serait résulté des maux particuliers.
Si la Perse doit à Chah-Abbas tout l’éclat dont elle a brillé durant
deux jiè c le s , elle doit à Kérim de n’avoir pas été tout-à-fait démembrée,
d’avoir joui pendant près de vingt ans de ce calme, de cette
sécurité qui font le bonheur des peuples, et qui contribuent si fort
à la prospérité des nations. Les moyens que cè dernier employa
pour y parvenir, furent violens sans doute, mais ils étaient conformes
aux moeurs du peuple qu’il gouvernait. En tenant auprès
de lui les fils ou les plus proches parens de tous les gouverneurs
de provinces, en faisant venir il Chiras les chefs de. toutes les tribus
, c’était les forcer tous à une fidélité qu’ils auraient certainement
violée sans cette précaution. Il en résulta encore un autre
avantage; c’est que les grands , dans les contrées éloignées de la
capitale, n’osèrent jamais se permettre de piller ou de mettre à
contribution les caravanes.
.. Cette tranquillité n’était pourtant pas assez solidement établie,
pour qu’on ne fût menacé de tems en teins de la voir troublée par
ceux-là même: qui avaient le plus grand intérêt à la maintenir.
Zéki-K h an , frère puîné de Kérim, laissé à Ispahan en qualité
de gouverneur, osa , .avec cinq ou six mille hommes qu’il avait ,
concevoir le projet, en 1763, de détrôner son frère, et de se mettre
à sa place. Quelques liaisons qu’il était parvenu à former avec des
seigneurs de la cou r, le portèrent à piller Ispahàn, et à se rendre,
avec son butin, à Shuster, où il espérait être soutenu par les Arabes
khiabis et par quelques tribus curdes du Loristan , dont .il avait
gagné les chefs.
Dès
Dès que cette nouvelle parvint à Chiras , Fétah-Ali ( i ) , soupçonné
d’avoir pris part à la révolte, fut arrêté. La correspondance
qu’on saisit chez lui ne laissant aucun doute sur son crime, il eut
la tête tranchée. Quelques autres personnages furent également
punis de mort.
Par ces exécutipns et les mesures qui furent prises à tems, les
projets de Zéki-Khan restèrent sans effet ; lui-même se vit forcé
d implorer la miséricorde de son frère. Il rentra en grâce, et revint
bientôt à Chiras, ou il resta tranquille tant que Kérim vécut.
Le Kerman ayant perdu son gouverneur, le vékil y envoya son
beau-frère Mademi-Khan, Charus. Il y fut re çu , et il s’y installa
sans que les habitans témoignassent le moindre mécontentement;
il s ’y conduisit avec beaucoup de prudence ; il montra.tout le désintéressement
que 1 on devait attendre d’un homme que Kérim
honorait de sa confiance; néanmoins, un des riches seigneurs de
la province parvint à s’y faire un parti et à lever des troupes; ü
lui fut facile de mettre en fuite Mademi-Khan, et de se faire reconnaître
par le peuple comme khan du Kerman. Le vékil fut-obligé
d’envoyer une armée pour mettre à la raison les rebelles et pour
réintégrer son beau-frère.
Dans le Mazanderan, la plupart des seigrieursfaisaient des efforts
pour soulever le peuple, et chasser le khan d’Aster-Abad. L ’éloi-
gnement ou est cette, provin.ce du centre du gouvernement,’ les
hautes montagnes qui l’isolent en quelque sorte, la facilité qu’on y
a de recruter parmi les Turcomans et les Ouzbeqs, tribus voisines,
toujours prêtes à combattre pour ceux qui les paient : tout donnait
l’espoir à ces seigneurs de se séparer du reste de la Perse ,
et de former un État q u i, comme le Khorassan, aurait son roi
particulier.
, Scheik- Ali y fut enyoyé, en 1764? avec des troupes : il devait
faire prisonnier., envoyer au supplice ou mettre en fuite tous les
coupables, et ôter au peuple tout prétexte de révolte. Scheik-Ali
parut s’acquitter fort bien de sa commission ; il rétablissait la
(i) Celui qui avait défendu la ville d’Urmia.
Tome II I. T t