il devait obéir aux ordres de Charokh ou lever encore une fois
l ’étendard de la révolte ; il devait aller à Mesched avec une simple,
garde et se soumettre à son r o i, ou marcher contre lui avec toute
son armée. Ibrahim prit un autre parti ; il resta à Tauris, et s’y fit
proclamer roi le 17 novembre de Ja même année.
Il prit ce parti, parce qu’il était déjà le maître de la Perse ; parce
que, depuis le Mazanderan jusqu’au golfe Persique, toutes les provinces
lui étaient soumises, du moins en apparence : il était à la
tête d’une armée formidable ; il avait encore en son pouvoir une
partie des trésors enlevés à Ade l; il touchait tous les impôts ; il se
flatta de soumettre le Khorassan , de se défaire de Charokh, et de
conserver par-là une couronne qu’il convoitait depuis la mort de
Nadir.
En attendant d’agir contre son ennemi d’une manière plus hostile,
il répandit l ’or à pleines mains, à l ’exemple de son frère, pour
se faire des partisans; il nomma sans discernement, sans choix et
sans prudence, à tous les gouvernemens, à tous les emplois, à toutes
les places, les hommes qui lui parurent les plus dévoués à sa
personne ; il tâcha de se faire dans l’armée une réputation de popularité
; il protégea avec soin les caravanes ; il eut l ’attention de ne
mettre aucune nouvelle ta x e , et il traita en général le peuple avec
douceur.
Dès que la saison lui permit de se mettre en campagne, au prin-
tems de l’année 1749, il quitta Tauris et prit la route de Téhéran.
Arrivé dans cette ville, il envoya à Kom sa famille et son malheureux
frère A li, qu’il gardait toujours prisonnier, et il se rendit dans
le Mazanderan. Lorsqu’il fut à Semnan, il fit camper son armée, et,
se disposa au combat sur la nouvelle que Charokh, accompagné de
tousles seigneurs qui l’avaient.installé, et à la tête d’une armée considérable,
s’avançait pour le combattre.
Les deux armées étaient encore éloignées de plusieurs lieues,
que la défection se mit dans celle d’Ibrahim. Plusieurs chefs l’abandonnèrent
pour aller se ranger sous les drapeaux du souverain
légitime. Ibrahim, à leurs yeux , n’était qu’un rebelle souillé de
crimes. Charokh, par son père Riza, était petit-fils de Nadir-Chah,
et
et par sa mère Fatime, petit-fils de Chah-Hussein. Ses droits au
trône ne pouvaient être contestés : on n’avait d’ailleurs à lui reprocher
aucun crime, aucune action qui fît craindre un règne malheureux.
I Surpris de cette défection , Ibrahim fit tous ses efforts pour l ’arrêter
; mais il ne put y parvenir : chaque jour son armée diminuait
d une manière effrayante, et au point qu’il ne lui resta que dix ou
douze mille Afghans -qui jurèrent dé lui être fidèles, et de ne jamais
l ’abandonner.
Avec une armee si affaiblie, il ne jugea pas à propos de hasarder
un combat; il se retira dônc précipitamment et il prit la route de
K om , où il comptait s’enfermer, et soutenir un siège.dans le cas
où Charokh l ’y viendrait attaquer; mais la garnison, qui avait_eu
connaissance de la défection de son armée, prit alors le parti de
celui qu elle jugea le plus fo r t; elle refusa d’ouvrir les portes à
Ibrahim et de le recevoir dans ses murs. Celui-ci, qui y avait fait
passer sa famille, son harem et tout ce qu’il avait de plus précieux ,
la fit assaillir par ses Afghans, la prit,au bout de quelques jours,
et la livra au pillage.
• Ce succès lui permit de renforcer son armée par une partie de la
garnison et par quelques troupes qu’il leva à-la hâte aux environs,
II n’était plus en état de se mesurer avec Charokh; mais il crut pouvoir
surprendre le château de Kéla t, et s’en emparer avant qu’on y
eût fait passer des secours : il se flattait que, maître, de toutes les
richesses qui s’y trouvaient encore, il pourrait- avoir à ses ordres
une armée beaucoup plus forte que celle de son adversaire ;,il comptait
même qu’une partie de celle-ci passerait sous ses drapeaux lorsqu’il
aurait de quoi la bien payer.
Cette entreprise 11e pouvait réussir : c’était aussi la dernière resr,
source de l ’homme que des imprudençes avaient réduit aux abois.
Outre que Kélat devait avoir upe garnison qui aurait facilement
résiste à tous ses efforts, il fallait, pour y parvenir, passer sur le.
corps d’une armée formidable, peu disposée sans doute à le favo-:
riser. Ibrahim mit la plus grande célérité dans l ’exécution de ce quai
méditait; i l ne prit que huit ou dix .mille hommes de cavalerie, et
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